Culture

Une cinéaste noire méconnue

Craig D. Lindsey est un écrivain, membre de la HCAF, Houston Film Critics Society, festival de cinéma et d’arts de cinq jours.

« Vous savez, je me considère comme une cinéaste en mission » me confie Euzhan Palcy au téléphone depuis Los Angeles.

La rėalisatrice d’origine antillaise est actuellement aux États-Unis dans le but de faire visionner le film qui l’a consacrée en tant que cinéaste au début des années 80, «Sugar Cane Alley» (Rue Cases-Nègres), oeuvre portant sur la vie d’une plantation de canne à sucre en Martinique, vue à travers les yeux d’un garçon de 11 ans, Lion d’argent à la Mostra de Venise et César du meilleur premier film, une première pour un cinéaste noir.
Mais ne le cherchez sur aucune plate-forme de streaming. Il est resté dans les limbes depuis que le distributeur américain, le défunt New Yorker Films, a laissé les droits expirer.
« Ces gens-là ont fait n’importe quoi », fulmine Euzhan Palcy. « C’est terrible, car ils ont perdu le contrôle de la société. Ils devaient 5 000 dollars (aux distributeurs européens JMJ International Pictures) et n’ont jamais payé. La compagnie qui a les droits était très mécontente et voulait les poursuivre en justice. « 

Néanmoins, la Martiniquaise se dėmène pour que Rue Cases Negres et ses autres long-mėtrages soient distribués aux États-Unis. Vous pourrez le voir samedi, au centre de projection du Festival des arts du cinéma de Houston. La directrice artistique de la HCAF, Jessica Green, a été fascinée par ce chef-d’œuvre. «Le film l’a émue jusqu’aux larmes. Elle s’est sentie obligée de le projeter à Houston», a déclaré Palcy. « C’est pour cela qu’elle a insisté pour que je sois présente à ce festival, quitte à bousculer mon programme ». 

Première réalisatrice noire à diriger un film pour un studio hollywoodien, le thriller sur l’apartheid en 1988 «A Dry White Season», valant à Marlon Brando une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle, on pouvait supposer qu’Euzhan Palcy serait plus respectée dans l’industrie cinėmatographique. Mais les pouvoirs en place n’ont pas facilité son travail.

«C’est très dur parfois parce que nous avons besoin d’eux pour qu’ils nous laissent faire ce que nous voulons, monter des films – et les commercialiser comme ils le feraient pour n’importe quel autre film. » Son influence sur les réalisatrices afro-américaines est réelle. En septembre dernier à Los Angeles, Ava DuVernay, réalisatrice de «A Wrinkle in Time», a projeté Rue Cases Negres, en présence de Palcy, lors d’un festival organisé par son collectif ARRAY. Une anecdote amusante : lors d’une séance de questions-réponses en 2017, la réalisatrice de «Mudbound», Dee Rees, a paniqué quand, après avoir livré son analyse de Rue Cases Negres,  a vu Palcy surgir du public pour la questionner.

La passionnée de 7eme art continue de mener son combat, inspirant de jeunes artistes noires à faire du cinéma de la même façon que son mentor français de la Nouvelle Vague, Jean-Luc Godard, l’a inspirée dans sa jeunesse. Et compte tenu de la manière dont DuVernay, Ryan Coogler et Jordan Peele réalisent des films à succès, Palcy espère qu’Hollywood laissera enfin plus de cinéastes noirs s’exprimer.

«Nous avons tout ce qu’il faut : d’excellents scénaristes, d’excellents techniciens. Et quand ces éléments sont réunis – bien sûr, nous avons une histoire qui a beaucoup de succès, une histoire qui rapporte beaucoup d’argent. Les gens pensent alors : « Oh mon Dieu ! C’est  sensationnel ! Il y a quelques années, quand ce genre de chose se produisait, les studios se disaient : c’est peut-être un accident. Vous pouvez citer au moins 10 films de de type ces dernières années qui ont rapporté beaucoup d’argent – et le public en redemande.  »

Previous post

AVANT PREMIÈRE

Next post

Rencontre-dėbat : le trafic d'armes aux Antilles

97land

97land

Des infos, des potins, des événements... Toute l'actu du 97.

1 Comment

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *