Ultramarins de France : Regard sur une communauté en pleine mutation.
La communauté ultramarine de France a-t-elle évolué positivement au cours de ces dix dernières années ou a-t-elle stagné voire régressé ?
Selon que l’on se place du côté des statisticiens qui ont l’art parfois de manipuler les chiffres et les faits afin de leur donner une orientation négative, prêter l’ouïe désormais à ceux qui font vivre cette communauté au quotidien est assurément le moyen le plus efficace de prendre son pouls. Et que dit ce pouls en ce moment ? Que les choses sans être excellentes n’ont plus rien à voir avec les ans passés.
Si l’on met de côté les éternels problèmes de logements et d’emplois pour se pencher sur les problèmes plus personnels de ces déracinés volontaires ou forcés qui selon toute vraisemblance, mais sans statistiques fiables seraient près de 2 000 000 en France dont les trois quarts en Ile-de-France, on se rend compte qu’un progrès notable est en cours (Selon l’INSEE en 2008, 369 000 « domiens » vivraient en France, mais ces statistiques ne prennent en compte ni les enfants nés en France ni les petits-enfants).
Bien sûr ce n’est pas encore le big-bang annonciateur d’un changement radical en profondeur, mais d’un frémissement qui est de bon augure pour l’avenir. Car les ultramarins ont compris que leur visibilité ne pouvait venir que d’eux-mêmes. L’embryon de prise de conscience qui avait pris naissance dans les années 90 suite à la marche du 23 mai 1993 a donné naissance à une nouvelle race d’hommes et de femmes qui font tomber petit à petit les murs de l’isolement et les cloisons de la mise en marge de cette communauté qui bien souvent avait plus de devoirs que de droits.
Le statut de français à part entière qui a souvent fait défaut à nos ainés semble être admis désormais par les décideurs et même si le délit de faciès est toujours de mise pour justifier un contrôle d’identité et que des injustices persistent injustice, l’ultramarin d’aujourd’hui n’est plus perdu dans la nature et peut trouver de l’aide pour se défendre si d’aventure il se trouvait confronter à un problème délicat.
Les réseaux sociaux permettent de créer des liens interrelationnels et d’alerter l’opinion sur des cas douloureux nécessitant une assistance ou un traitement d’urgence. Mais le point fort de cette nouvelle prise de conscience c’est que les ultramarins n’attendent plus sur les autres pour sortir la tête de l’eau et investissent tous les secteurs où ils étaient jadis écartés. Moi qui jadis vécut en France pendant près de 40 ans avant de rentrer aux Antilles depuis une dizaine d’années, je suis agréablement surpris de constater à chacun de mes séjours dans l’Hexagone, la vivacité et l’énergie débordante de ces hommes et femmes qui ont décidé de prendre à bras le corps le secteur médiatique et de diffuser l’information au plus grand nombre.
La première arme contre l’obscurantisme, c’est le savoir et l’éducation.
A travers les moyens de communications on peut apporter la connaissance aux autres, aux nôtres. C’est pourquoi on ne peut que saluer l’important travail fait par ceux qui ont pour nom : Maurice Cécé, OM5TV, Télé Antilles, Espace FM, Média Tropical, 97land et toute la série de petits médias à l’attention de notre communauté qui se démènent avec leurs faibles moyens pour vulgariser l’information. La présence des originaires d’outre-mer sur les chaines nationales, encore insuffisante certes, ne peut être que considérée comme une évolution positive pour l’ensemble des ultramarins.
Au salon du livre de Paris 2016 les auteurs ayant fait le déplacement depuis les Antilles étaient fortement impressionnes par le nombre de micros qui leur était tendu, ce qui contrastait fortement avec le sort qui leur est réservé dans leur région respective parfois.
Mais dans ce combat qui semble porter ses fruits, la part accomplie par les associations est loin d’être négligeable. Mieux structurées, plus dynamique, elles sont des relais importants pour fédérer les différentes composantes de la communauté ultramarine qui du coup, retrouvent un élan salvateur pour avancer dans la même direction, c’est-à-dire dans la bonne direction. Il était temps! Saluons le travail effectué par certaines d’entre elles dont le CROMVO, BLK, le CREFOM, ACCOLADE, la CASE SOCIALE, l’AJEG, etc. De Paris à Bordeaux en passant par Nantes, Lille, Toulouse, ou Montpellier, le train du renouveau est en marche et devrait atteindre sa vitesse de croisière dans les prochaines années.
Un autre volet de cette mutation semble également prendre corps, c’est celui de la politique. Désormais des conseillers municipaux, des maires adjoints, des maires, des conseillers généraux et régionaux voire des ministres viennent colorer un paysage politique jadis monocolore. Et puis que dire des artistes, des écrivains des sportifs qui ne sont pas en reste pour porter le savoir-faire ultramarin au plus haut niveau ? Les choses sont loin d’être pires qu’avant. La mutation est en marche, il faut tenir le cap.
Hugues PAGESY
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Je partage entièrement ce point de vue et félicite chaleureusement les ultramarins qui se donnent corps et âme dans ce travail de dévouement et de valorisation de la communauté d’Outremer.