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Thuram : À Anse-Bertrand, je sais que je suis chez moi

Dans un entretien paru dans le magazine GEO de février 2020 (n°492), Lilian Thuram évoque ses souvenirs d’enfance à Anse-Bertrand qu’il considère être le plus bel endroit du monde. Extraits.

« … Tout au bout de l’île, dans l’extrême nord de la Guadeloupe, ce n’est pas un endroit où l’on passe mais où l’on va. C’est d’ailleurs en partie à cause de cet éloignement qu’historiquement, il n’a pas bonne réputation chez nous. On appelait ses habitants les moun bois…, parce qu’ils étaient très foncés de peau. On dit aussi que c’est ici que s’étaient réfugiés les derniers Caraïbes, une population amérindienne exterminée par la colonisation européenne.

Nous jouions au foot pieds nus, ou nous allions «tuer des mangues», jetant des pierres dans les branches pour faire tomber les fruits. L’un de mes grands plaisirs était de grimper sur le tamarin devant notre maison. Je m’installais sur une branche et je savourais ces fruits à la chair marron et au goût assez acide…

Tout le village connaissait chaque enfant. Moi, j’étais Lilian, le fils de Mariana. J’avais 8 ans quand ma mère a dû partir travailler à Paris et nous sommes restés à la maison avec mes quatre frères et sœurs… sans adulte. Mais le village était là pour nous éduquer… Parti à mon tour en métropole à 9 ans, je ne suis revenu à Anse-Bertrand qu’à 22 ans.

… Pour moi, Anse-Bertrand, c’est un bruit particulier, celui de mon voisin, un paysan qui, tôt le matin alors que je dors encore, frappe sur les piquets en fer auxquels sont attachés ses bœufs ! Quand j’entends ce son, je sais que je suis chez moi et nulle part ailleurs.

… J’y séjourne plusieurs fois par an… Nous nous y retrouvons en famille. Le matin, nous allons à la boulangerie du village, chez Bernard, acheter des sandwichs au maquereau, que l’on déguste en guise de petit déjeuner avec une bière brune sans alcool, sur un rocher devant la mer…

… La plage de la Porte d’Enfer (est) ma préférée. C’est une petite crique bordée d’arbres, dans laquelle la mer s’enfonce. Ce lieu s’est construit dans la violence des vagues qui l’ont creusé jour après jour. Une géographie encore en marche car à chaque seconde, des vagues continuent à y façonner la terre. Malheureusement, depuis quelques années, les sargasses, des algues qui sont la conséquence de la pollution humaine, viennent l’abîmer ».

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