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Serge Romana : Le Comité Marche du 23 mai a crée une nouvelle variante mémorielle

Serge Romana s’apprête à passer un très long 23 mai. A la veille de cet évènement mémoriel et culturel, il nous parle des manifestations prévues par le CM98 pour la journée de lundi et de l’annonce d’une fondation « Esclavage et réconciliation ». Et à son discours, on pressent qu’il compte poursuivre le travail engagé, bénéficiant d’appuis de choix.

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97Land : Lundi, c’est l’anniversaire de la commémoration des victimes de l’esclavage. Quelles sont les manifestations prévues dans la journée ?

Lundi 23 mai, ce sera la 18ème Commémoration des victimes de l’esclavage colonial. Il y aura des cérémonies républicaines autour des monuments érigés en Ile de France et dans l’Oise : A Sarcelles à 14 h devant la Gardienne de vie puis à la place Aimé Césaire à 14 h 30, à Creil à 16 h, à Saint-Denis à 18 h devant l’arbre des noms, enfin à Grigny ce sera l’inauguration du mémorial des noms à 16 h.

Il y aura aussi deux cérémonies religieuses : à Saint Denis à 17 h dirigée par l’évêque de Seine Saint-Denis, une à Créteil dirigée par l’évêque du Val de Marne. Ce sont des temps solennels où des ministres et des ecclésiastiques rendent hommage à ces personnes qui n’étaient rien. Les voilà honorées par la République et l’Eglise.

97L : Ensuite la Fête de la Fraternité Limyè ba Yo…

Oui la Fête de la Fraternité Limyè ba Yo reconnaissance-réconciliation. Nous devons nous rassembler autour de la mémoire des ancètres. Nous ferons l’unité, nous communierons dans les jardins du Ministère des Outre-mer et pas en extérieur comme l’an passé du fait de l’état d’urgence.

De 16 h à 19 h un temps de village avec l’atelier de Généalogie, l’Université Populaire, le groupe Archives bases de données. Nous aurons cette année la Route des Abolitions puissant réseau qui porte la mémoire de l’abolition avec des sites de mémoire dans l’Est de la France. Ils seront avec nous pour montrer que chacun peut respecter le travail de l’autre, savoir que le temps de commémoration de l’abolition de l’esclavage est un temps, celui de la commémoration des victimes de l’esclavage un autre.

Pour la partie scènique, un spectacle « Réconcilitation » avec des témoignages de descendants d’esclaves, de marchands africains de bois d’ébène et de colons européens, le concert des DéChenNé la compagnie crée pour l’évènement avec Tony Chasseur, Jocelyne Beroard, Jacob Desvarieux, Dédé Saint-Prix et d’autres et pour finir un concert de MALAVOI.

97L : Parlerez-vous dans votre discours de votre fondation « Esclavage et réconciliation » ?

Bien sûr. Mais je précise que ce n’est pas la fondation du CM98 puisque des personnalités de la société civile y sont impliquées. Eric de Lucy, Bernard Hayot, Serge Guézo, Roger de Jaham et tant d’autres sont les premiers signataires.  Nous avons un objectif commun.

97L : Comment ce rapprochement a t-il été possible ?

Lors d’un conflit social dans nos régions, voilà ce que l’on entend : « Le patron béké est un casseur de nègres, l’entrepreneur mulâtre un allié du béké, le noir qui a une entreprise un nèg à blan » rendant impossible toute discussion. Pouvons nous sublimer cette défiance et travailler ensemble nous dont les aïeux avaient des positions antagonistes ?

Petit à petit, grâce à la fête de la fraternité, la communauté antillaise a montré ce qu’elle savait faire pour construire. On a contacté des groupes traditionnels, des artistes mais aussi des entreprises, des artisans pour montrer que nous sommes vivants, debouts. Nous avons découvert que les chefs d’entreprise étaient prêts à travailler avec nous car nous n’étions pas là pour refaire le match mais pour construire une mémoire collective. Les entrepreneurs békés, d’origine indienne ou descendants d’esclaves ont approuvé notre démarche en vue d’une société plus apaisée.

Voyant que nous venions sans haine mais au contraire par amour pour nos parents, ils ont commencé à nous accompagner. C’est de là qu’est venue l’idée de structurer, de fédérer les forces économiques, propulser, pour le travail dans les archives, faire en sorte par exemple que certains lieux de mémoire soient rénovés pour y développer un vrai tourisme mémoriel et bâtir dans un lieu prestigieux de la capitale le Mémorial  National des victimes de la traite négrière et de l’esclavage colonial monument portant le nom et le matricule des 200 000 personnes qui ont été nommées en Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion.

97L : Y aura-t-il deux fondations ?

Certainement mais ce seront des fondations différentes. Celle annoncée par le Président de la République est une fondation Gouvernementale avec une position globale sur toute la mémoire de l’esclavage. C’est pour le moment une préfiguration. Son premier travail sera d’auditionner tous ceux qui travaillent sur la question. Elle sera probablement très centrée sur l’hexagone à l’instar du travail du CNMHE.  Elle aura à harmoniser tout cela et je suis persuadé que nous travaillerons en bonne intelligence. Les fondations travailleront peut être de concert.

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97L :  Le CM 98 est maintenant incontournable. Il a l’appui du ministère des Outre-mer et des forces économiques ultramarines. Devenez-vous la mémoire de l’esclavage ?

Non pas du tout. Le CM98 est un entrepreneur de mémoire. C’est une association qui agit sur le terrain sur la question mémorielle. Il existe disons 3 régimes : un abolitionniste qui met en valeur la République abolitionniste avec le 10 mai, qui a pour objectif d’unir la Nation Française. Le 2ème que je qualifierai d’indépendantiste honore les nègres marrons et est porté par les mouvements nationalistes. Il se base sur la mémoire des luttes. Le 3ème régime c’est celui que nous avons crée, spécifique à nos identités. Avant, on ne parlait pas des parents esclaves. Nous avons crée une nouvelle variante mémorielle, la notion de victime de l’esclavage… Le passé esclavagiste nous poursuit : Chez nous, certains ont tenté de le nier, d’autres sont encore révoltés, bref… Il ne laisse pas indifférent. A titre d’exemple, il me semble que vous journaliste à 97land ne portez pas la mémoire des victimes de la Shoah. Vous compatissez bien sur mais les personnes génocidées portent en elle cette mémoire et leurs enfants font des cauchemars. Leur ressenti est différent du votre.

Il n’y pas que le CM98 qui est dans cette dynamique : Lanmou ba yo s’occupe du cimetière de Sainte Marguerite, l’association Plus à Port Louis qui s’occupe d’autres sites, Anchoukaj : des entrepreneurs de mémoire qui parentalisent les esclaves, ni héros ni abolitionnistes. On ne commémore pas pour commémorer, pour faire beau. Toute comémoration sur la genèse d’un groupe a pour objectif de donner l’image la plus positive de votre naissance, de rassembler, de créer de l’unité pour  construire pour l’avenir.

Nous avons fait une vraie révolution mémorielle. Nous avons crée des outils pour développer le travail : des groupes de parole, une université populaire, la constitution de bases de données par l’exploration des archives, enfin le 23 mai comme journée de rassemblement. Nous sommes très fiers de nos militants. Sachez que c’est tous les jours qu’ils travaillent.  J’ajoute que Mme Pau-Langevin nous fait l’honneur de nous recevoir dans les jardins du ministère c’est un appui politique de poids. Il est nécessaire cependant pour y accéder de s’inscrire en ligne, c’est une contrainte qu’il faut accepter.

Et je voudrais finir en m’étonnant du discours de certains disant qu’il y a trop de dates. La communauté juive en a trois : elle s’en sert pour faire connaitre son histoire.  Profitons des deux dates pour faire connaitre la nôtre.

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