Société

Production audiovisuelle : une occasion particulière

S’il ne faut pas sous-estimer l’apport des arts et de la culture dans le développement d’une véritable industrie du cinéma et de l’audiovisuel, on ne peut nier l’évidente étroitesse du marché local ainsi que les contraintes technologiques et financières. A l’ère du numérique et du village global, le secteur de l’audiovisuel et du cinéma peut survoler notre insularité et outrepasser les freins de notre triple dépendance économique, technologique et politique, pour générer une vraie valeur ajoutée

L’échange culturel n’est en réalité que le triste résultat de l’échange économique qui, par la création d’une demande, constitue le principal levier de la promotion des modes culturels. D’autres systèmes peuvent expliquer le phénomène d’intégration des cultures d’autres territoires mais l’économique, par sa simple énergie, déblaie les espaces culturels les plus enracinés pour faire émerger d’autres modes de consommation et formes d’être et de paraître.

Quand les hommes mettent en échange des pratiques qui constituent le socle de leurs us et coutumes ce n’est pas par pur désintérêt mais avec envie de s’installer sur d’autres territoires qu’ils ne sauraient conquérir savamment avec l’unique usage de la force. Il ne s’agit pas d’une simple hégémonie mais surtout d’une reproduction culturelle qui peut faire disparaître les principales caractéristiques d’une autre culture. La clé de cet échange est de faire consommer des signes et modes de vie qui répondent à un format déjà éprouvé mais en constant renouvellement du fait des innovations numériques entre autres.

L’on comprend que les performances du système de gouvernance, d’innovation technologique et sociale influence l’état des rapports sociaux lors de cet échange qui souvent est guidé par la recherche de l’estime de soi et d’une plus grande notoriété. Le fait culturel est ambigu et ne s’identifie dans le temps que par des comparaisons qui s’appuient non seulement sur les faits présents mais aussi historiques et mythologiques…

Les relations de pouvoir qui s’établissent après cet échange peuvent traduire une forme d’inégalité évidente que diffusent les médias et des formes de contestations tant au niveau des politiques que de la dynamique créatrice au prix d’une véritable originalité. Cela peut se mesurer par les espaces et annonces publicitaires consacrés aux films et spectacles, aux biens consommables.

Il est vrai que le produit est une réplique d’une norme dont la matrice exerce violemment son droit d’exister d’une part, par la réaction égocentrique des acteurs qui en tirent leur raison d’exister et, d’autre part, de ceux qui, à la recherche d’une notoriété, en attendent beaucoup. Les pouvoirs politiques locaux, dès ce moment, qui savent l’existence des liens étroits qui existent entre culture et politique, peuvent brandir les armes protectionnistes qui pourraient maintenir une certaine production qui tirerait sa valeur intrinsèque d’une réalité en déliquescence. L’hémorragie culturelle ne peut être arrêtée sur le champ du fait de l’origine de sa principale cause qui demeure enracinée dans les habitudes de consommation qui, elles-mêmes, sont autoentretenues par le marché publicitaire. L’exiguïté du marché publicitaire, c’est-à-dire des entreprises qui établissent des politiques de communication, promettant une prétention de pérennisation aux différents prestataires de services, concourt au déclin (effet aveuglant de la consanguinité des acteurs). C’est vous dire l’ampleur de la tâche des défenseurs des biens culturels locaux tant par l’authenticité de leur discours que par les comportements irréprochables qu’ils doivent adoptés.

La réalité est que le formatage s’est opéré dans l’échange de manière indicible et par paresse d’adopter ce qui est proposé plutôt que d’essayer de créer et sans l’exercice du contrôle des hommes politiques en place, qui par myopie, n’ont pas su suffisamment inciter à la reconnaissance d’une authentique création ancrée dans une réalité culturelle.

Il serait hasardeux de parler de techniques qui n’entacheraient pas la création basique et qui ne se vouerait pas à une consommation déterminée. La force de l’homme politique, leader par essence, est d’adopter ce que le peuple est enclin à consommer.

La difficulté est là. Le consommateur cherche à maximiser son utilité et sa satiété n’est pas une remise en cause du modèle consommé. Nous sommes malgré nous au cœur d’une économie ouverte. La longue bataille pour protéger une différence culturelle spécifique n’est pas une blague mais peut-être la promotion du prolongement d’un modèle hégémonique bien huilée et qui dicte sa loi bien au-delà de ses frontières.

On fait la promotion de certaines ressources locales alors qu’une grande partie de la population est versée dans l’adoption et la consommation de modes étrangers, en déphasage, sans pouvoir soupçonner la destruction des racines de ses propres modes. Que faut-il faire ?

Le marché international du film caribéen est très révélateur quand certains producteurs guadeloupéens, entre autres, exposent leur point de vue… Pôle emploi qui gère l’offre d’intermittents du spectacle évalue à plus dune centaine le nombre de producteurs existant sur le territoire et regrette le nombre de véritables intermittents pouvant vivre de leur métier grâce au statut d’intermittents, qui fait actuellement l’objet d’une réforme.

Certains producteurs dans leurs déclarations avouent que le système n’est pas favorable à l’accès à ce statut car les diffuseurs mettent en avant leur système de gestion qui cherche à obtenir une minimisation des coûts, au mépris du respect des règles du CSA. Ces diffuseurs veulent d’un devis disent-ils, les producteurs, quant à eux, à leur tour, cherchent à sous-traiter avec éventuellement des cadreurs, des techniciens et autres qui peuvent plutôt fournir un numéro de SIRET qu’un numéro de sécurité sociale.

C’est ce danger que dénonce Pôle emploi, mais ne sommes-nous pas au pays du libre échange ou la concurrence doit-être respectée avant tout ? Le système porte en lui ses propres contradictions et l’on sait que les dépenses sociales sont à la recherche d’un modèle de rationalisation, ne serait-il pas normalement que les individus en fassent autant ?

La chance, c’est que nul autre domaine, plus que le monde de la création audiovisuelle et cinématographique, ne peut échapper au dictat du format mondial, quelle que soit le mode d’organisation adopté et qui est appelé à évoluer. Cette occasion doit être saisie, sans peur des politiciens, avec le dégagement de moyens financiers capables de couvrir les besoins en formation et en infrastructures de deux générations de créateurs successives.

Un exemple de politique à retenir serait la protection de la flore et de la faune et du foncier à allouer à des infrastructures favorisant l’accueil de productions audiovisuelles et cinématographiques de dimension internationale. Il n’est point à démontrer les retombées sur l’emploi et la valorisation du résidu culturel local, profondément enfoui sous la domination des modes profondément enracinés.

Par conséquent, une bourse spécifique et conséquente doit être attribuée aux auteurs qui se dévouent à ce secteur seul capable de montrer, de promouvoir sans crier et de transférer un mode ailleurs sans l’usage de la force. La guerre se déroule sur le terrain psychologique…

JOCELYN GEORGES

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