Pourquoi Mickael est-il mort à Carrefour en 2009 ?
Au procès, on apprend que le jeune Martiniquais avait juste piqué une canette
Le 28 décembre 2009, Mickaël Blaise, 25 ans jeune martiniquais se fait pincer avec une canette de bière volée. Direction le local du Carrefour de la Part-Dieu. Mickaël se débat. Pour le maîtriser jusqu’à l’arrivée de la police, 4 vigiles le plaquent contre un comptoir, l’écrasent jusqu’à l’étouffement. 6 ans plus tard, les 4 accusés passaient en jugement.
Mickaël Blaise est appréhendé par Hervé Sylvanise, Georges Cortbaoui et Lyacine Ghazioui. Il est connu des vigiles : c’est lui qui, 5 jours auparavant, a tenté de voler dans la caisse.
Mickaël se lève et se décale, empoigne un agent qui réplique et le plaque contre le mur, aidé de son collègue, mains au col du suspect. La police a un poste dans le centre commercial, ils devraient être là très vite…
L’algarade dégénère pour de bon. Ça crie fort, des coups partent, Mickaël se débat tant qu’il peut. Alors Sylvanise le bascule sur la table. Ghazioui le pousse. Cortbaoui contourne le comptoir, ses mains glissent sur le crâne chauve de Mickaël, il lui prend le col et les trois, de concert, plaquent d’un coup le jeune homme. Il est à plat ventre, les jambes et la tête dans le vide de part et d’autres de ce comptoir. Sylvanise est sur lui, Ghazioui lui tient les jambes, Cortbaoui lui fait une clef de bras.
… Il râle. Il souffle. Il agonise. Sylvanise n’est plus allongé sur lui mais le maintient fermement. Les agents discutent ensemble, s’agacent du temps d’intervention des policiers. Le temps s’écoule. Personne ne voit le jeune homme partir. Quand ils s’aperçoivent qu’il est inconscient, ils l’allongent en position de sécurité, lui font un massage cardiaque. Mickaël mourra le lendemain à l’hôpital.
Qui était Mickaël Blaise ?
Au moment des faits, la presse le décrit comme un marginal, un SDF violent et agressif. Les tantes du défunt montent à la barre pour le réhabiliter : « Il n’était pas du tout violent », dit l’une. « Il ne disait jamais de gros mots, il rendait service », ajoute l’autre. La troisième : « C’est l’enfant de la famille, gentil, on ne l’a jamais vu boire ou fumer. »
En 2002, Mickaël 18 ans à l’époque est diagnostiqué schizophrène. Il était suivi depuis lors et placé sous tutelle en 2006. Sa tutrice témoigne au procès :
« Il venait très souvent [au centre qui le suivait], c’était quelqu’un de très gentil, poli, avenant. Il n’a jamais haussé le ton. Il demandait souvent de l’argent, négociait sur son allocation car il voulait s’acheter des vêtements, on refusait fermement, il n’insistait pas. »
Mickaël était « oisif et nonchalant, mais pas désocialisé » conclut-elle. Il vivait dans un foyer et avait des projets simples : trouver un appartement, passer le permis. Construire sa vie.
La lourde pathologie de Mickaël Blaise est analysée par le professeur Liliane Daligand. Elle sort un épais dossier médical et synthétise :
« Schizophrénie paranoïde sévère. Syndrome de discordance, syndrome délirant et autistique. »
Elle égrène une liste de symptômes terribles : désorganisation psychique, au niveau de la parole. Blocages du discours et de la pensée, mauvais contrôle de ses émotions. Délire de persécution, délire de filiation : « Il était persuadé être le fils d’un rappeur américain, un dénommé Guru » précise-t-elle. Mickaël était dans le déni de sa pathologie et avait une forte tendance à l’errance. Il a fait l’objet de plusieurs hospitalisations d’office : il était agressif et intimidant à l’égard des infirmières et autres patients, mais jamais violent.
Cela contraste avec le portrait dessiné par les précédents témoins. Me Yves Sauvayre l’interroge : « Peut-il y avoir deux temps, le temps de l’hospitalisation, et un autre ? – Tout à fait, répond l’expert. Il avait une consommation de cannabis et d’alcool qui était cyclique et non chronique. Il en prenait surtout dans les pires périodes, pour diminuer son angoisse et ses souffrances. »
Les rapports médicaux montrent que Mickaël était « stabilisé » en décembre 2009. Il n’était pas dans une « bouffée délirante » dans laquelle sa dangerosité aurait pu se manifester…
Pendant les premières heures du procès, les accusés paraissaient tranquilles, expliquant doctement que ce drame n’était qu’un accident. La diffusion de la vidéo du drame les fait basculer. Les voilà ahuris, traversés par la honte. Hervé Sylvanise, 40 ans, originaire de Martinique, comme la victime lance d’une traite : « Oui, on a fauté. Quand on sort du tribunal, on voit la famille et on a honte. J’aurais préféré mourir à la place de Mickaël. J’ai honte, j’ai honte. »
Il pleure. Sur le banc des accusés, les visages se ferment. En début d’audience, un peu apathique, il avait balbutié une phrase de remords : « Je m’en veux, je me demande comment ça se fait qu’on en est arrivés là. »
… La professeure Daligand est à la barre. La psychiatre a examiné Sylvanise. Elle décrit le quadragénaire comme immature, ayant eu des difficultés de langage. « Il n’est pas agressif, pas violent, il est indifférent. Il a peu conscience d’autrui, sa seule activité avec les autres est génitale », diagnostique-t-elle en citant son patient, DJ du dimanche : « Ce qui m’a sauvé, c’est la musique et les femmes. »
Les 4 hommes partagent la même ligne de défense : Ils ont maîtrisé un voleur en attendant l’arrivée de la police. Le voleur s’est débattu, ils ont donc employé la force. Hélas, le voleur est mort. C’est un drame, mais ils n’ont pas fauté…
Dans un silence absolu, la salle, toujours emplie des familles des accusés, vient écouter le verdict. Les accusés sont reconnus coupables de « violences volontaires en réunion ayant entrainé la mort sans intention de la donner ».
Aucune altération du discernement n’est retenue. La peine : 4 ans dont 2 avec sursis pour trois d’entre eux. Ils ont déjà purgé 4 mois de détention provisoire. Ils pourront prétendre à une libération conditionnelle dans le courant de l’année 2016.
Julien Muchielli
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