Culture

Porgy and Bess : triomphe du melting-pot américain ou appropriation culturelle ?

Depuis sa création, l’œuvre divise. Est-ce le triomphe du melting-pot associant George et Ira Gershwin (fils d’immigrants juifs russes) et DuBose Heyward (rejeton d’une famille de la pure aristocratie blanche de Caroline du Sud) pour raconter une histoire afro-américaine ou de l’appropriation culturelle ? Depuis «Summertime» est devenu un standard de jazz et le sublime «I Loves You Porgy», a nottament été interprété par Billie Holiday et Nina Simone. 

Ecrit en 1935 d’après une pièce de théâtre adaptée d’un court roman éponyme, Porgy and Bess illustre la vie d’Afro-Américains dans le quartier fictif de Catfish Row à Charleston, en Caroline du Sud, au début des années 1930.

Al Jolson, qui avait porté le blackface en 1927 dans le premier film sonore « The Jazz Singer »,  espérait interpreter Porgy. Gershwin a exigé que les rôles soient exclusivement tenus par des noirs. D’abord joué au Carnegie Hall, il faudra attendre un demi-siècle pour que la comédie passe dans la catégorie opéra, le 6 février 1985 au Met, le Metropolitan Museum of Art de New York.

A Catfish Row, les hommes jouent aux dés tandis qu’une femme chante une berceuse à son enfant. Lorsque le voyou Crown perd au jeu et assassine son adversaire, il fuit la ville, laissant derrière lui Bess qui se retrouve livrée à elle-même. Seul Porgy, le mendiant estropié du quartier, porte secours à la belle.

« Bess, tu es ma femme désormais », chante le héros improbable quand il se rend compte que Bess peut l’aimer. Dépendante à l’alcool et à la drogue, se mettre avec Porgy semble pour elle une chance.

«Porgy» est-il une représentation réaliste de la communauté afro-américaine ségréguée (Maya Angelou l’a qualifié de « grand art ») ou perpétue-t-il les stéréotypes sur les Noirs ? (Harry Belafonte a refusé de jouer dans la version cinématographique, la trouvant « dégradante »). James Baldwin a fait écho à cette critique, écrivant que même s’il aimait « Porgy and Bess, cela reste la vision d’un homme blanc de la vie noire.  »

En mai, les héritiers de Gershwin se sont élevés contre le non-respect par la Hongrie du vœu du compositeur, d’une distribution exclusivement noire. Szilveszter Okovacs, l’intendant de l’Opéra de Budapest, a réfuté leurs arguments, les accusant de racisme « Il n’y a pas de Noirs en Europe de l’Est, ils n’y sont donc pas discriminés. Je ne vois pas pourquoi on devrait les privilégier pour un rôle. C’était peut-être légitime il y a quarante ans, mais aujourd’hui les Noirs ont des droits et il faut sortir de cette logique ».

Porgy and Bess a fourni du travail à des générations de chanteurs afro-américains de formation classique à une époque où la discrimination les excluait des grandes scènes. Le 1er février 2020, c’est à un casting de poids que vous assisterez. Presque tous les chanteurs des rôles principaux ont déjà chanté au Met : Eric Owens (Porgy), magnifique baryton-basse et sa voix puissante, aux textures terreuses, Angel Blue (Bess), soprano à la voix somptueuse et rayonnante, le ténor Frederick Ballentine (Sportin’ Life) lui fait ses débuts au Met avec autorité, la soprano Leah Hawkins, radieuse dans le rôle d’une camée d’une vendeuse de fruits, la Strawberry Woman.

Le 1er février au Cinéma en direct du MET – 18 h 55 – Durée : 3 h 40

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