Société

Polémique en Argentine suite à un article sur l’absence de joueurs noirs dans la sélection

« Pourquoi n’y a-t-il pas de joueurs noirs dans l’équipe argentine ? » : l’article de Erika Edwards pour le Washington Post a suscité un vif débat dans ce pays qui ne s’est pourtant pas gêné de populariser ce chant : « Ils jouent en France mais viennent tous d’Angola. Que c’est beau, ils vont courir. Ils aiment les travestis comme ce putain de Mbappé. Sa mère est Nigériane. Son père est Camerounais. Mais sur le document nationalité : française ». 

Le Dr Erika D. Edwards est professeure agrégée d’histoire latino-américaine. Elle a obtenu son doctorat à l’Université de Floride en histoire de l’Atlantique spécialisée sur l’Amérique latine et l’Afrique atlantique précoloniale. Elle est l’auteur d’une analyse de l’invisibilité noire et de la construction de la race en Argentine.

L’auteure précise que « l’Argentine a été la patrie de nombreux Noirs pendant des siècles », mais qu’elle a essayé « de construire son image de pays blanc ». Son article a déclenché un grand débat racial en Argentine, après que l’équipe transandine ait affronté les Pays-Bas en quart de finale de la Coupe du monde au Qatar.

« Alors que les supporters suivent de près les succès de l’Argentine à la Coupe du monde, une question se pose : pourquoi n’y a-t-il pas de joueurs noirs dans l’équipe nationale argentine ? Contrairement à d’autres pays d’Amérique du Sud, comme le Brésil, l’équipe de football argentine fait pâle figure en termes de comparaison de la représentation noire « …
Elle ajoute que lors de la Coupe du monde 2014 au Brésil  » les observateurs plaisantaient sur le fait que même l’Allemagne avait au moins un joueur noir, tandis que l’Argentine semblait n’en avoir aucun lors de la finale de la Coupe du monde ».

Selon les archives historiques, le seul joueur noir à avoir joué pour l’équipe nationale argentine était Alejandro Nicolás de los Santos, dans les années 1920-1930.

L’universitaire, bien que les données du recensement de 2010 estimant la population noire à 149 000 personnes « semblent confirmer que l’Argentine est bien une nation blanche », rejette cette idée et affirme que « la vision de l’Argentine en tant que nation blanche est non seulement inexacte, mais exprime une longue histoire de nettoyage ethnique. »
Selon les archives historiques, le seul joueur noir à avoir joué pour l’équipe nationale argentine était Alejandro Nicolás de los Santos, dans les années 1920-1930.
Pour étayer sa théorie, elle déconstruit une série de « mythes » inventés de toutes pièces dans le pays transandin pour expliquer la supposée « absence d’Argentins noirs ».
Parmi ceux-ci, il y a la croyance que les hommes noirs ont été utilisés comme « chair à canon » pendant la guerre d’indépendance, ce qui a entraîné la mort d’un grand nombre d’esclaves. Cependant, l’universitaire affirme que ce n’était pas le cas, la grande majorité d’entre eux n’etant pas morts, mais ayant simplement déserté.

Un autre « mythe » mentionné est le manque de visibilité noire dans la société argentine dû à des épidémies, comme la fièvre jaune à la fin du XIXe siècle, qui auraient davantage affecté cette population en raison de sa pauvreté. « Faux car les données montrent que les épidémies n’ont pas plus tué la population noire que les autres ».

Selon elle, « ces mythes sur la » disparition « des Noirs servent à masquer plusieurs héritages historiques durables de la nation ». « En fait, l’Argentine a abrité de nombreux Noirs pendant des siècles, pas seulement des esclaves et leurs descendants, mais aussi des immigrés ». Malgré cela, l’Argentine s’est construite son image de pays blanc.
C’est pour cette raison que l’immigration d’Européens blancs dans le pays a été encouragée.
Le mot « morocho » – qui fait référence aux personnes à la peau bronzée – a même été utilisé pour les différencier de ceux qui sont blancs, ce qui serait la norme dans ce pays.

« … La présence de personnes qualifiées de morochos est un clin d’œil à cette histoire d’effacement des Noirs et des peuples indigènes. Morocho est un terme inoffensif qui fait référence à ceux de couleur bronzée, et est utilisé comme un moyen de distinguer ceux qui ne sont pas blancs ».

L’experte soutient que : « Cette histoire montre clairement que, bien que l’équipe de football argentine ne comprenne peut-être pas de personnes d’ascendance africaine, ou peut-être des personnes que la plupart considéreraient comme noires, elle n’est pas complètement blanche « . Selon elle, « il est probable que plusieurs joueurs de l’équipe actuelle soient qualifiés de morochos en Argentine ».

« Le morocho le plus célèbre d’Argentine est peut-être la légende du football Diego Maradona », insiste Edwards, ignorant que le « morocho » le plus célèbre est le chanteur de tango Carlos Gardel, une icône populaire aussi grande que Maradona. Gardel n’est sans doute pas né en Argentine. Il y a deux théories : l’une prétendant qu’il est né en France et l’autre qu’il est né en Uruguay…

« Comprendre cette histoire révèle un pays beaucoup plus diversifié que ce que beaucoup imaginent et prouve également les efforts déployés pour effacer et minimiser cette noirceur », conclut l’auteur.
L’article a provoqué une grande polémique dans le pays transandin, avec de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux, où les internautes mettent en cause la prétendue connaissance de l’universitaire de la réalité du pays.

« Erika Denise Edwards est une ignorante de l’histoire. Elle ne sait pas que l’Argentine n’est pas un pays ségrégationniste et que les personnes d’ascendance africaine dans ce pays ont été amenées par des immigrants européens » a réagi le journaliste Lucio Albirosa sur Twitter.

« De la poudre aux yeux gauchiste…, cherchant à réécrire l’histoire et l’évolution ethnique d’un pays sous l’universalisme proyankee « . « En exagérant le politiquement correct, on découvre plus de racisme que de racistes ». « En Argentine, nous sommes tous des noirs et nous sommes des cracks ».

Le conservateur anglais Ben Harris-Quinney, président du Bow Group, s’est invité dans le débat, en critiquant l’article : « Ces lignes sont écrites par des gens qui connaissent rien au football…  Le Washington Post laisse-t-il entendre qu’il y a de bons joueurs noirs Argentins qui ne sont pas sélectionnés pour cause du racisme ? Qui sont-ils ? Aucune nation de football ne laisse de côté de grands joueurs à cause de la race « , a-t-il écrit sur Twitter.

L’auteure elle, a réaffirmé connaître le pays, mentionnant ses séjours prolongés en Argentine depuis plus de 20 ans. Elle a également déclaré qu’après avoir publié l’article « de nombreuses personnes, et en particulier des Argentins, sont ravies d’avoir enfin une conversation sur la race en Argentine ».

« Bien que difficile, cet échange est nécessaire pour prendre en compte le passé. Certains n’ont peut-être pas aimé cette mise en avant sur la race, mais les questions sur la perception de l’Argentine de sa blancheur et de son manque de diversité ont beaucoup à voir avec leur culture et leur histoire ».

Il n’est donc pas étonnant que Kylian Mbappé ait été victime d’attaques racistes sur les réseaux sociaux lors de la finale de la Coupe du monde ce dimanche au stade de Lusail. Irrités par les buts du joueur français, les supporters argentins ont maudit le meilleur buteur de la Coupe sur Twitter.

Le Washington Post a été contraint de publier une correction à l’article. La version originale de l’éditorial citait les chiffres du recensement de 2010 qui montraient qu' »environ un pour cent » de la population argentine de 46 millions d’habitants était noire.
« Mon article fournit un bref historique de la façon dont l’Argentine est passée d’environ un tiers de sa population classée comme noire à moins d’1% aujourd’hui… Nous ne pouvons pas accepter que ce soit uniquement l’immigration européenne qui ait blanchi la population en Argentine, car divers pays des Amériques ont également connu une immigration européenne massive ».
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