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Maryse Condé, bientôt docteur honoris Causa de l’Université de Murcie ?

Antonia Pagán et Isaac Cremades de l’Université de Murcie (350 km au sud-est de Madrid), proposent de décerner à Maryse Condé le titre de « Docteur Honoris Causa » voulant ainsi distinguer son parcours remarquable dédié à la promotion des lettres. Extraits d’un article de Manuel Madrid pour le quotidien de Murcie La Verdad.

@Condé Docteur Honoris Causa, University of West Indies, à la Barbade en 2005

Cela fait maintenant vingt ans, que l’Université de Murcie a intégré la littérature francophone à son programme. Maryse Condé, née à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe en 1937, figurait déjà parmi les premières lectures choisies. Son univers est l’expression de la condition féminine, vue sous différents angles; la lutte pour l’identité, l’oralité et la nature dans les Caraïbes.

« Son oeuvre cosmopolite et aventurière est le reflet de sa carrière, de son parcours de vie. Ses personnages, malgré leur vie erratique, reviennent toujours à leurs origines », s’exclame la professeure Antonia Pagán López, qui en 2014 a dirigé la thèse de doctorat « Oralité et identité féminine dans le travail narratif de Maryse Condé », soutenue par le professeur Isaac Cremades, la première thèse universitaire réalisée pour cette université espagnole sur l’auteur. Antonia Pagán et Isaac Cremades sont en effet les coordinateurs d’une étude monographique sur Maryse Condé, dans les « Anales de Filología Francesa », nº 28, de l’UMU. Un « humble hommage » à l’éminente écrivaine guadeloupéenne, lauréate du prix Nobel Alternatif 2018.

La globe-trotteuse Condé, réside actuellement en France, après avoir séjourné dans différents pays d’Afrique et pensé avoir trouvé ses racines au Mali. « Elle a vécu en Afrique alors que nombre de ces pays n’avaient pas encore accédé à l’indépendance, une situation quelque peu instable au niveau personnel mais très enrichissante pour son imaginaire », souligne le professeur Pagán.

Ce nomadisme de Condé, loin d’être un obstacle, lui a permis d’étoffer sa création littéraire. « Elle est l’une des pionnières de la littérature féminine des Caraïbes. Elle aborde la question de l’inégalité entre hommes et femmes dans la société, notamment dans les pays du tiers monde, car elle connaît la réalité de l’Afrique et des Antilles. Cela lui permet de donner une vision juste des personnages les plus opprimés ».

Cremades se souvient que lorsqu’elle achevait son diplôme de philologie en 2000, cet auteur était déjà à l’étude. «Antonia Pagán enseignait la littérature féminine francophone. Nous avons étudié en profondeur l’écriture de Maryse Condé et j’étais déjà captivée par sa lecture et la passion qu’elle transmettait. Cela m’a tellement plu que j’ai fait des recherches sur l’oralité dans son travail, d’où ma thèse…

Pagán se remémore qu’au moment de l’inclusion de Maryse Condé dans les programmes d’études de l’UMU en Espagne, elle était une auteure peu connue du grand public.

« A l’époque, seul un de ses romans, Moi, Tituba sorcière, avait eu l’honneur d’une traduction. Les temps ont changé. En 2019, Martha Asunción Alonso, professeur à la Alcalá de Henares, a soutenu une thèse sur Condé. Elle a pris contact avec l’écrivain, ayant en tête de traduire son travail. Et c’est ainsi qu’en 2019, la maison d’édition Impedimenta a publié « Le cœur à rire et à pleurer. Souvenirs de mon enfance » puis en 2020  « La vie sans fards »…

Maryse Condé a été proposée par les deux professeurs comme Docteur Honoris Causa de l’Université de Murcie, en reconnaissance de la trajectoire de cette femme de lettres à jamais liée aux études françaises au sein de la vénérable institution académique. Aujourd’hui, âgée de 85 ans, souffrant d’une maladie dégénérative et de santé précaire, elle continue pourtant à dicter ses pensées. Vivant dans le sud de la France, elle a commencé à écrire sur le tard, à 40 ans, après une vie mouvementée. S’étant retrouvée mère de manière prématurée, à seulement 17 ans, après sa venue en France pour ses études, elle s’est retrouvée seule… Une maladie pulmonaire l’a forcée à rester dans un sanatorium. « Ce furent des années difficiles pour elle, bien qu’elle soit issue de la bourgeoise guadeloupéenne. Elle n’a reçu aucune aide car pour la famille, sa situation était honteuse ».

Maryse Condé a pris le nom de son premier mari, l’acteur guinéen Mamadou Condé, « pour donner un père à ses enfants et recouvrer un statut social. Elle s’établit en Afrique avec lui. Le mariage fonctionne plus mal que bien… Elle découvre la Guinée, le Ghana et le Sénégal. Elle enseigne le français et à 40 ans, quitte son mari, ses enfants adolescents. Elle part en France, où elle termine ses études, son doctorat et commence à écrire avec succès », son désir d’écrire présent au plus profond de son être. C’est ce que Maryse Condé a confirmé au professeur Pagán en 2018 lors de leur rencontre à Barcelone. « Enfant, les « Hauts de Hurlevent » l’ont tellement bouleversée que le dernier chapitre achevé, elle a confié à sa mère qu’elle voulait écrire un roman du même calibre. « Elle allait bientôt découvrir une réalité différente. Esclavage, racisme, discrimination… Tous ces maux se retrouvent dans ses œuvres à la dimension universelle. Professeure à l’Université Columbia, elle a animé des séminaires francophones, sur les thèmes de la négritude, de l’antillanité, du créole, la littérature noire (européenne et africaine et en France). « Une femme noire transgressive, provocante, avec une ironie infinie et toute en nuances », note Cremades.



… La complexité de l’œuvre de Condé nous révèle, sous une perspective de genre, les vicissitudes de sa personnalité non seulement en tant que femme-écrivain et critique engagée mais aussi en tant qu’héroïne antillaise. Du passé africain à la Guadeloupe contemporaine, son discours met en valeur une culture créolisée, conférant à ses textes un cosmopolitisme et un nomadisme révélateurs au centre de la fiction.

 Nous sommes particulièrement reconnaissants envers l’œuvre de Maryse Condé, témoignage de son temps et de son passé, attachante par sa vérité humaine. Son écriture est espace d’échange et de confrontation entre les cultures caribéennes, occidentale et africaine et s’avère être une source de connaissance et de sagesse.

Nous espérons avoir contribué par ce travail, qui a réuni des chercheurs universitaires d’Europe, du Liban et d’Amérique, à faire connaître la portée de son œuvre sous des angles divers tout en souhaitant de même que ces regards variés et actualisants ouvrent de nouvelles perspectives d’étude dans l’avenir.

 Anales de Filología Francesa, n.º 28, 2020
Antonia Pagán López
Isaac Cremades Cano
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