LES OUBLIES DU SYSTEME EDUCATIF DANS LES DOM
A quelques jours de la rentrée scolaire, loin des images d’Épinal véhiculées par les médias sur les jolis cartables et les trousses à la mode, intéressons nous aux oubliés du système éducatif : les illettrés. Un mot suscitant l’étonnement dans des régions où l’enseignement est obligatoire.
En 2014, plus de 750 000 jeunes de 17 ans ou plus, de nationalité française, ont participé à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Selon les évaluations effectuées à cette occasion 9,6 % (France métropolitaine + DOM) d’entre eux sont en difficulté de lecture.
C’est d’abord le niveau en compréhension de l’écrit qui distingue les jeunes ayant des difficultés de ceux qui n’en ont pas. Les épreuves sont standardisées et automatisées. Les jeunes répondent à l’aide d’une télécommande à des questions présentées sur un écran. Ces outils permettent une analyse des compétences de lecture et la précision des temps de réponse. Ils permettent d’établir un diagnostic fiable des jeunes selon leur degré de difficulté.
On parle d’illettrisme pour des personnes qui, après avoir été scolarisées en France, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante. Il s’agit pour elles de réapprendre, de renouer avec la culture de l’écrit, avec les formations de base, dans le cadre de la politique de lutte contre l’illettrisme. (ANLCI Agence nationale de lutte contre l’illetrisme )
Si dans l’hexagone cette situation touche une minorité de jeunes avec des difficultés médicales, sociales ou relationnelles, dans les Dom l’illettrisme concerne une part importante de la jeunesse. La moyenne française (sans les DOM) est de 3,5 %, environ 14 % du public réunionnais est touché (4 fois plus), plus de 16 % de la jeunesse antillaise (5 fois plus), 27 % en Guyane (7 fois plus) et s’approche des 50 % à Mayotte (14 fois plus).
Une multiplicité de causes sont en jeu : un passé scolaire douloureux, des situations de rupture, de difficultés familiales et sociales, un effritement des compétences de base. Beaucoup de jeunes décrochent faute d’un soutien pédagogique suffisant. On constate par exemple à la Réunion, un taux de scolarisation des 16-19 ans de 72 % (contre 84 % en métropole) et celui des 20-24 ans de 18 % (contre 34 %).
Dans les Outre-mer, l’inadaptation des méthodes d’apprentissage, la distanciation par rapport à la réalité de l’apprenant et un enseignement trop normatif accentuent ce phénomène. L’illusion de la promotion sociale par la réussite scolaire des années 60 et l’habitude de masquer les problèmes font que 3 jeunes sur 10 n’atteignent pas le niveau collège sans que nos sociétés s’en émeuvent rendant difficile la sortie d’un cercle vicieux d’infériorité et de honte limitant l’accès au monde du travail et à la formation.
Au conseil interministériel de l’Outre-mer du 6 novembre 2009 Nicolas Sarkozy avec la scolarisation précoce des enfants élevés en milieu non francophone, l’accompagnement scolaire renforcé pour lutter contre le décrochage scolaire, un plan de lutte contre l’illettrisme des adultes mis en œuvre dès 2010 s’était fixé comme objectif de réduire de moitié en cinq ans l’écart entre le taux d’illettrisme constaté en outre-mer et celui de la métropole. Les Plans Académiques de prévention actualisés par le chargé de mission régional et pilotés par un conseil Académique de prévention n’ont pas inversé la tendance, loin s’en faut.
Des dispositifs existent pour les jeunes décrocheurs ayant des difficultés d’apprentissage scolaire ou d’insertion comme les Ecoles de la deuxième chance (E2C), les Etablissements public d’insertion de la Défense (EPIDE), le Service militaire adapté (SMA). Pour en bénéficier, les jeunes doivent être cependant volontaires. Pour les autres, c’est un sujet tabou toujours imaginatifs pour cacher leurs difficultés. Il n’est pas facile de s’accepter en difficulté et de s’engager dans un dispositif long et contraignant sans réelle vision de son avenir et sans un accompagnement permanent.Une sensibilisation du grand public sur ce sujet semble donc nécessaire. Le 8 septembre 2014 la ministre de l’Education Nationale Najat-Vallaud Belkacem lançait la journée nationale de prévention et de lutte contre l’illettrisme, en s’adressant aux partenaires et associations : « Merci d’avoir permis de mettre cette souffrance en lumière ».
Le Centre d’Observation de la Société (http://www.observationsociete.fr) dans un article du 07/11/2013 (Les jeunes d’outre-mer : d’énormes difficultés scolaires) tirait déjà la sonnette d’alarme : « la dégradation de la situation économique des familles dans des territoires très inégalitaires et l’ampleur du chômage des jeunes (jusqu’à 70 %) sont des facteurs très défavorables. Une chose est sûre : de tels chiffres appliqués à des départements de métropole auraient suscité une mobilisation plus importante des moyens publics ».
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