Société

Le temps des larmes est venu pour l’Amérique noire

Alors que le virus se propage aux USA, le taux de mortalité chez les noirs est alarmant, représentant 70 % des victimes du Covid 19 à Chicago. Si les problèmes cardiaques, pulmonaires ainsi que l’hypertension sont répertoriés comme facteurs contributifs, il faut s’attendre à une hécatombe dans les quartiers défavorisés.

@Le souvenir de moments heureux dans cette famille afro américaine

Rien ne prédestinait Patricia Frieson, sixième d’une famille de neuf frères et sœurs à faire la une des journaux. Infirmière dans la vie, elle opte pour l’hôpital du Mississipi afin de rester auprès de sa grand-mère dont elle s’occupe jusqu’à sa mort en 1988.

Son père décédé l’année suivante, Pat s’installe à Chicago pour prendre soin de sa mère jusqu’au trépas de cette dernière en 2002. C’est à cette époque que des problèmes de santé – asthme grave, lymphœdème – commencent à l’handicaper. Patricia sort de moins en moins, mais reste active au téléphone au sein de sa communauté et ne raterait pour rien au monde ses rendez-vous avec sa sœur Wanda pour se rendre à l’église. Une vie certes modeste mais aussi des réunions de famille régulières avec des neveux et nièces poursuivant de brillantes études.

En mars, ayant de plus en plus de mal à respirer, elle est emmenée en urgence au University of Chicago Medical Center où elle décède. Sa famille sidérée apprend alors que le pilier des Frieson est la première victime du Covid 19 dans l’Illinois.

Pour une de ses nièces, c’est l’incrédulité : « Pour nous, elle était Doc Pat. C’est elle que l’on appelait des que l’on avait le moindre souci de santé ! ».

Pas de deuil possible pour sa complice Wanda. Des adieux à travers une fenêtre vitrée. A la douleur morale s’ajoute une sensation d’oppression. Et le 16 mars, à la demande pressante des membres de sa famille, Wanda Bailey, ressentant des problèmes respiratoires, se rend aux urgences.

«On nous a dit que tout ce que nous pouvions faire était d’espérer et de prier pour que son état s’améliore», raconte Richard Frieson, le frère des deux femmes.

Mais neuf jours après la mort de sa sœur, Bailey, 63 ans, décède à son tour à l’hôpital d’Olympia Fields, d’une pneumonie due au Covid 19, selon le bureau du médecin légiste du comté de Cook.

« C’est triste mais pas surprenant », réagit le Dr Linda Rae Murray, professeur de politique de la santé à l’Université de l’Illinois à Chicago. « Ceci n’est que le reflet de ce que nous savions déjà sur les pandémies. Les personnes vulnérables. même assurées, meurent en premier ».

Comme si une digue avait cédé, c’est désormais la peur qui domine dans la communauté noire de Chicago. Cette maladie venue du bout du monde fauche les enfants du Pasteur King sans distinction d’âge et de sexe. Et rien ne semble pouvoir l’arrêter.



Anthony Kapel Jones dit Van Jones est un militant des droits civiques. Il a été conseiller du président Obama. Son intervention sur CNN à propos des conséquences de la crise du Coronavirus dans la communauté noire. 

« Au début de toute pandémie, des conclusions trop hâtives peuvent induire en erreur. Malheureusement, pour nos populations vulnérables, les hypothèses erronées auront des conséquences mortelles.

Les Afro-Américains sont sur le point de découvrir une vérité dramatique. Deux légendes urbaines, abondamment relayées sur les réseaux sociaux  nous ont fait hausser des épaules et conclure : « Ce coronavirus n’est pas notre problème. »

Mythe n° 1 : le  Covid-19 est une maladie de blancs 

Les premiers Américains diagnostiqués étaient pour la plupart blancs. Au début de l’épidémie, les médias se sont donc naturellement focalisés sur ces blancs fortunés ayant voyagé à l’étranger, en particulier en Asie. L’impact de cette couverture médiatique a fait dire aux Afro-Américains que nous étions peut-être en quelque sorte à l’abri du virus, aussi fou que cela puisse paraître.
Idris Elba, l’une des premières victimes noires célèbres, a dû publier une vidéo suppliant les Noirs d’intégrer le fait que les personnes d’ascendance africaine puissent l’attraper.

Et pourtant… Quand j’ai prévenu ma famille de la prochaine pandémie, mon cousin pourtant très instruit m’a dit confiant : « Non, nous avons des anticorps contre ça ! »

La réaction de mon cousin m’a rappelé les débuts de l’épidémie de VIH, lorsque les gens considéraient le Sida comme une maladie «blanche et gay».  Aujourd’hui, le Sida est largement associé à la pauvreté et aux noirs.
Le Covid-19 semble suivre la même trajectoire. Le sentiment que cette maladie affecte les populations les plus âgées, les plus riches et blanches va bientôt céder la place à une réalité déchirante : le virus écrasera les populations les plus pauvres, les noirs et affectera également les jeunes.

Mythe n° 2 : Les jeunes ne sont pas touchés

En Asie et en Europe, cette maladie a surtout tué des personnes âgées. Les communautés de couleur étant statistiquement plus jeunes que la population blanche, pensaient que cette maladie ne représentait donc pas de menace particulière pour elles.

Cependant, il est important de garder à l’esprit, tout d’abord, que les jeunes – même les plus sains – risquent de contracter et de propager le virus. Dans un État comme New York, environ 1 hospitalisation sur 5 survient chez des personnes de – de 44 ans, selon le service de santé de la ville. Et les chiffres semblent encore plus inquiétants dans certaines régions du Sud.

De plus, les jeunes Afro-Américains meurent déjà plus du diabète, du VIH et du cancer que les blancs de même âge, selon les Centers for Disease Control and Prevention. Et ceux qui contractent le Covid-19 déjà immunodéprimés semblent plus à risques.

En outre, les taux d’obésité sont considérablement plus élevés chez les enfants afro-américains (de – 17 ans) et les adultes (18 et +), selon le ministère de la Santé. L’obésité les expose à un plus grand risque de maladies immunodéprimantes sous-jacentes telles que le diabète et l’hypertension artérielle.

La réalité : la communauté noire est sous le choc

Selon les données les plus récentes disponibles, par rapport aux citoyens blancs non hispaniques aux USA, les Afro-Américains sont 60% plus susceptibles d’être diagnostiqués diabétiques, 20% de mourir des maladies cardiaques, ont le taux de mortalité le plus élevé de tous les groupes raciaux et ethniques pour tous les cancers combinés et pour la plupart des cancers majeurs, et enfin représentent 44% de la population séropositive.

Alors que le virus frappe la communauté noire il s’agit en fait d’une épidémie qui saute par-dessus plusieurs autres épidémies. Le triste constat est que trop d’Afro-Américains ne sont pas en bonne santé ou bien assurés. Cela se traduit, en termes policés, par des «résultats sanitaires disproportionnés» loin de la réalité. Les Noirs sont tout simplement plus malades que les Blancs à tous les niveaux.

Et ce virus peut être particulièrement mortel pour les personnes qui souffrent d’hypertension – une maladie presque à des sommets dans la communauté noire. En se focalisant sur la population âgée, les médias ont sous-estimé le risque pour les personnes souffrant d’hypertension.

En dehors de leur mauvaise santé, les Afro-Américains ont des revenus plutôt bas. Et les personnes à faible revenu sont souvent concentrées dans des lieux où la densité de population rend difficile la «distanciation sociale». Conséquence, le virus se propagera probablement rapidement dans ces logements, les refuges pour sans-abri et les prisons.

L’inéluctable réalité : le Covid 19 va dévaster l’Amérique noire

Sur la base de ces arguments, le Covid-19 tuera nos gens en masse. Nous devons nous attendre à voir des jeunes Noirs mourir en bien plus grand nombre que ne l’ont laissés entendre les dirigeants du pays. Et malheureusement, les exemples se multiplient jour après jour.

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