Le cri du fromager ou la mort du petit nègre
J’ai vu des yeux fermés
Qui semblaient me parler.
J’ai vu des yeux ouverts
Aussi vides qu’un désert
Sur des visages ébènes
Dépourvus de toute haine.
J’ai vu des corps blessés
Qui d’avoir trop saigné
Etaient devenus blancs
Bien plus blancs que les champs
Quand le coton murit.
J’ai vu des hommes se taire
Sous le fouet et le fer
Et attendre la mort
Comme un ultime trésor.
J’ai vu des nègres vendus
Et bien d’autres pendus
Puis servir de dîner
A des chiens affamés
Cerbères de maîtres sans cœur
Qui semaient la terreur
Chez de braves hommes intègres
Malheureusement nés nègres.
J’ai vu beaucoup de choses
Et pas toujours très roses.
Si je n’ai rien pu faire
Contre ces traitements d’enfer
Qu’ont connu vos ancêtres
Il serait temps peut-être
Qu’enfin un bel hommage
A ces hommes de courage
Soit désormais rendu
Comme un nécessaire dû.
Faites donc ce geste utile
Mettez en majuscule
Le mot Nègre pour toujours.
Et au son des tambours
Portez cette bonne nouvelle
A toutes les oreilles
Et criez le très fort :
« Le petit nègre est mort » !
Je suis un fromager
Par les ans abimé
Qui ne cesse de souffrir
A cause de souvenirs
Qui me hantent le cœur.
J’ai vu tellement d’horreurs
Et de Nègres accrochés
A mes branches écorchées
Que ma sève s’est tarie.
Je vis toujours, je vis
Mais quelle triste agonie !
Hugues Pagesy
No Comment