La pandémie qui changea le destin d’esclaves
Suivons le sillage du voilier Hankey qui a provoqué une tragédie épidémiologique, la première pandémie de fièvre jaune, modifiant le destin de l’Amérique du Nord, de l’Europe, de l’Afrique et des Caraïbes.
En 1792, le Hankey et deux autres navires transportent près de trois cents idéalistes britanniques, des anti-esclavagistes à Bolama, une île au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest, où ils espérent établir une société exempte d’esclaves et perturber ainsi la traite transatlantique (leur motivation est née de l’idée que les «libertés britanniques» doivent être étendues au monde entier).
De mauvais choix et une souche particulièrement virulente de fièvre jaune déciment les colons et transforment l’entreprise en une farce tragique.
Au début de l’année 1793, après que la plupart des pionniers sont morts, apres s’être aussi heurtés à la résistance des Bijagos défendant leurs terres, les survivants du Hankey décident de regagner l’Angleterre. Minés par la maladie, guidés par un équipage réduit et craignant d’être interceptés par les français, ils se réfugient à la Grenade. La fièvre jaune se répand alors dans l’île et, bientôt, dans les toutes les Antilles quelques mois avant l’arrivée des Britanniques venus réprimer la rébellion des esclaves à St-Domingue. La maladie décime les troupes coloniales. Les troupes françaises subiront le même sort – une des raisons de la réussite de la révolution haïtienne. Cette défaite convaincra finalement Napoléon de vendre le vaste territoire de la Louisiane aux États-Unis.
Depuis les Caraïbes, des navires transportant des réfugiés échappant à la tourmente politique déchargent leur cargaison humaine sur les quais de Philadelphie, la capitale des États-Unis dans les années 1790 avec 50 000 habitants. Ignorant le lien entre les moustiques et la maladie, l’épidémie qui en résulte tue cinq mille personnes, contraint des dizaines de milliers de résidents, dont George Washington, Thomas Jefferson et d’autres éminents dirigeants du gouvernement fédéral à fuir. Ce sont pour la plupart les citoyens modestes à qui revient la charge de sauver la ville.
Au retour des Hankley à Liverpool, l’image de l’Afrique « cimetière de l’homme blanc » va s’imposer en Grande-Bretagne et en France, offrant au continent une barrière partiellement protectrice jusqu’à l’avènement de la médecine tropicale et aussi l’idée fausse que les Noirs seraient immunisés contre la fièvre jaune, rumeur réaparaissant à chaque pandémie.
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