JEAN-MARC MORMECK : DU RING DE BOXE A L’ARENE POLITIQUE
Jean-Marc MORMECK, est l’un des boxeurs français les plus titrés à l’échelle international. 6 fois champion du monde, il décide à 42 ans de prendre sa retraite pour un nouveau challenge, le poste de Délégué Interministériel pour l’égalité des Chances des Français d’Outre-mer.
97L : Un bref résumé de votre parcours ?
Résumer mon parcours, est un exercice difficile tant j’ai l’impression à la fois d’être dans une continuité d’actions et d’engagements et en même temps d’avoir vécu mille vies. Pour faire court néanmoins, je dirai que de la Guadeloupe à Paris, en passant par Bobigny puis Las Vegas, je n’ai pas rêvé ma vie mais je me suis donné les moyens de vivre mes rêves. C’est ce qu’aujourd’hui je veux transmettre.
97L : Vos impressions à l’annonce de votre nomination à ce poste ?
Evidemment, j’ai mesuré immédiatement à la fois l’honneur qui m’est fait par le Premier Ministre mais aussi l’immense responsabilité qui l’accompagne. Je n’ai pas le droit de décevoir.
97L : Manuel Valls parle d’un « exemple d’abnégation et de travail » à votre propos ?
JMM : Oui j’ai travaillé, et j’ai travaillé dur. Pour apprendre les règles, pour me conformer aux exigences physiques et psychologiques de la carrière que j’ai choisie, à un âge où les adolescents de Bobigny et d’ailleurs font en général d’autres choix. C’est parce que j’ai eu conscience très tôt de la nécessité de l’effort, au service de ma passion, que je suis parvenu à maintenir ce niveau sportif. Mais le sport, c’est la vie en accéléré. Les valeurs attachées au sport sont celles de la République. J’ai eu la chance d’avoir des gens pour me le rappeler quand j’aurais pu l’oublier. C’est vrai, je suis très attaché à la devise républicaine, et pour nos outre-mer, je suis aussi très attaché à ce qu’elle y soit appliquée : liberté, égalité, fraternité, çà me parait essentiel.
97L : Membre du CREFOM, cette nomination est une continuité de vos fonctions. Allez vous poursuivre les deux fonctions ?
Je ne pense pas que ma nomination soit due à mon appartenance au CREFOM. Je peux vous assurer que mes journées à la délégation interministérielle à l’égalité des chances des français d’outre-mer sont bien remplies et me permettent de rencontrer de nombreuses personnes dans la communauté. Mais naturellement, je revois et continue à revoir mes amis du CREFOM dès que j’en ai la possibilité.
97L : Vous succédez à Patrick Karam, Claudy Siar, Sophie Elizéon. Vos réflexions quant au développement ultramarin ?
Mes prédécesseurs ont en effet beaucoup œuvré et je m’inscris naturellement dans une certaine continuité. Dès ma nomination, j’ai tenu à rencontrer un maximum d’acteurs, associatifs et institutionnels, qui sont au contact quotidien de nos compatriotes dans l’hexagone. C’est de là que j’ai tiré un constat et fait des propositions au Premier Ministre qui a acté mon programme en m’adressant ma lettre de mission. J’ai désormais mes objectifs et, comme je l’ai toujours fait dans le sport, je les atteindrai. Je veux m’engager dans des actions concrètes et pratiques qui changent réellement le quotidien des ressortissants d’outre-mer.
97L : Quelle sera donc votre politique relative aux Français d’outre mer résidant dans l’hexagone ?
Naturellement, la délégation interministérielle ne détient pas tous les leviers de l’action publique à l’égard des ultramarins de l’hexagone : la politique de l’emploi, la politique de la ville, de lutte contre les discriminations, etc… concernent en premier lieu nos compatriotes. Je veux mener des actions au plus près des jeunes, et singulièrement ceux des banlieues. Je veux aider à les insérer dans un milieu social et économique auxquels ils n’ont pas forcément accès, par exemple en facilitant l’obtention de stage ou de contrat en alternance. Je travaille activement pour proposer des mesures concrètes de lutte contre les discriminations dont sont spécifiquement victimes les ultramarins comme l’accès aux services bancaires ou le refus de caution au motif d’une domiciliation bancaire outre-mer ou encore l’immatriculation à la sécurité sociale de nos compatriotes du Pacifique. De même, je mets à profit les rencontres que j’ai pu faire, dans le monde économique notamment, tout au long de ma carrière pour voir comment dégager les moyens financiers afin d’aider les nombreuses initiatives pour soutenir notre jeunesse.
97L : Vous avez grandi à Bobigny, vous connaissez les problèmes de la banlieue et de la jeunesse.
Je veux marquer mon passage à la Délégation par une action déterminée en faveur de la jeunesse ultramarine et singulièrement celle qui réside dans les quartiers difficiles. On constate en effet que nombre d’ultramarins résident en banlieue ou dans des territoires ruraux un peu oubliés et sont trop souvent éloignés des pouvoirs publics. Médiateur de l’action des pouvoirs publics auprès de la communauté ultra-marine, le délégué interministériel devra en effet prioritairement se consacrer à ces Français éloignés des centres de décisions politiques, économiques et sociales. Depuis ma nomination le jeudi 24 mars, je suis à l’écoute : je reçois des Présidents d’associations et vais à leur rencontre. Je me rends également dans les Maisons ou délégations de collectivités ou régions sur Paris ou dans les structures associatives afin d’écouter ceux qui agissent au quotidien pour nos compatriotes ultramarins présents dans l’hexagone. Ces rencontres me confortent dans mes priorités.
97L : Un projet de conservatoire pour une formation d’orchestres philarmoniques pour les enfants bénéficiera-telle de votre soutien pour les enfants d’outre-mer ?
La Philharmonie de Paris est en effet venu présenter son projet à la DIECFOM et c’est bien naturellement que nous avons témoigné de notre total soutien à cette excellence initiative, que ce soit en banlieue ou dans les outre-mer. J’irai d’ailleurs à une de leur répétition ou concert.
97L : Un mot sur la Drépanocytose et le combat mené par Jenny Hippocrate ?
Je suis parrain de l’association de Jenny Hippocrate Fixy et j’en suis très heureux. Si par mon soutien, l’APIPD peut amplifier la voix de ces personnes malades et à la fois faire progresser la recherche et améliorer leur vie quotidienne, j’en serai très fier. Vous savez, la notoriété s’accompagne d’un devoir de solidarité, sinon elle est vaine.
97L : 1er boxeur guadeloupéen, pour les publicités des montres MAUBOUSSIN, comment avez-vous vécu cette expérience ?
Le PDG de la marque Alain Némarq a expliqué m’avoir choisi « (…) sur des critères d’esthétique car, la beauté, c’est mon métier. Mais je l’ai aussi choisi car c’est un modèle de courage et un modèle pour notre société. Il a démontré que c’était possible de partir de l’ombre pour parvenir à la lumière. Et puis, il incarne la puissance. ». Quant à moi j’ai constaté qu’on avait pas mal de similitudes, notamment dans nos parcours de vie. C’est quelqu’un qui a l’habitude de casser les codes, et, moi, je me lance constamment des défis, un peu à l’image de ce qu’il réalise avec sa marque. C’est là qu’il m’a fait cette proposition pour cette publicité. Sur les réseaux sociaux, il y avait beaucoup de commentaires qui disaient : « C’est bizarre, on voit pas beaucoup de Blacks dans ce genre de pubs. » C’est vrai. Il y a peu de Noirs qui font la promotion de marques prestigieuses. C’est aussi une fierté.
Wanda NICOT
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