Hodge : « Mon objectif est de transmettre le crėole aux jeunes trinidadiens »
Nnamdi Hodge, professeur, chercheur et écrivain trinidadien, co-producteur d’un CD « Vini Chanté an Patois – Come sing in Patois », explique pour le Sunday Express les origines du créole à Trinidad et sa mission consistant à pérenniser cette langue.
Il y a bien des siècles, lorsque les puissances mondiales arpentaient les mers, elles n’étaient pas seulement engagėes dans une course à la conquête de nouveaux territoires, mais aussi dans une bataille pour la domination des esprits – une bataille dans laquelle Trinidad & Tobago se trouva au centre.
La langue étant un instrument de cette lutte, les Britanniques l’ont finalement emportée. Mais il y a encore des communautés qui ont préservé ce qui était autrefois un élément clé de l’identité de la nation : le créole ou le patois.
Nnamdi Hodge, figure de proue de la préservation du patois à Trinidad, consacre depuis plusieurs années ses activités de recherche et de documentation sur ces communautés non seulement à Trinidad, mais aussi au Venezuela et à la Grenade. Hodge a decouvert le Patois alors qu’il étudiait la linguistique à l’UWI Université des West Indies. A partir de 2003, il a commencé à collectionner des chansons en patois. Ses recherches ont été présentées dans quatre documentaires, dont le projet sur les langues en danger financé par l’UWI.
« De nombreuses personnes sont venues des Caraïbes françaises à Trinidad, esclaves comme maîtres et ont apporté dans leurs bagages leur culture, leur musique et leur créole » explique Hodge. « Les immigrants se sont installés partout et le patois est devenue la langue parlée par toutes les races ».
« En fait, au 19ème siècle, le patois était devenu la première langue nationale du pays. Cela n’a toutefois pas plu aux Britanniques, qui se sont sentis menacés par l’influence du créole français sur les masses. Ils ont décidé d’angliciser la nation« .
« L’anglais était considéré comme la langue qui engendrerait de la mobilité sociale, comme un moyen d’accéder aux bons emplois. Par ailleurs, le créole français ou le patois étaient cantonné comme une langue ancienne, la langue des pauvres ».
En 1823, une loi imposant l’anglais comme la langue nationale fut adoptée. Malgré une nouvelle vague d’immigrants après l’éruption de la montagne Pelée en 1902, Hodge estime qu’en l’espace de 100 ans, ou trois générations, le créole est passe du statut de langue principale à un idiome de seconde zone utilisé par les adultes alors que leurs enfants apprenaient l’anglais.
Les recherches d’Hodge ont montré que la plupart des personnes nées après les années 40 ne parlaient pas Patois. Au cours des dernieres décennies, une grande partie de la culture creole a été perdue sous l’influence américaine. Mais la langue n’a pas complètement disparu : les premières versions du calypso ont été chantées en patois, et le combat au bâton et le bélé ont perduré.
« Si je n’enseignais qu’aux gens dans la cinquantaine, la soixantaine, la langue serait perdue. Par contre, les gens apprennent la langue plus rapidement quand ils sont jeunes car ils ont de meilleures capacités cognitives et mon objectif est de transmettre le patois aux jeunes trinidadiens ».
D’après un article de Kimberley Wallace « Keeping Patois Alive »
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