Harry Roselmack : Je n’échapperai pas à ma responsabilité si j’ai commis une erreur
Dans un reportage de Sept à Huit, Nina, victime de tournante raconte le calvaire qu’elle dit avoir subi à Fontenay-Sous-Bois. Pour préserver son identité, la production de 7 à 8 ELEPHANT & Cie a choisi de la maquiller outrageusement et de l’affubler d’une perruque. Des téléspectateurs ont fait part de leur incompréhension, dénonçant un blackface. La réponse d’Harry Roselmack dans une tribune intitulée « Polémiques instantanées ».
L’épiderme* fait l’opinion, Twitter la diffuse, les médias suivent. Ainsi fonctionne une société qui réagit mais ne s’interroge plus.
Sept à Huit a été accusée d’avoir fait un blackface. Au départ, par des téléspectateurs qui ont réagi sur les réseaux sociaux.
Prenons le temps de questionner cette réaction. Nous ne sommes pas en l’espèce dans le déguisement. Nous ne sommes pas dans une démarche d’agrément, de divertissement, de moquerie, de stigmatisation. C’est un maquillage destiné à préserver au mieux l’anonymat d’une personne mineure qui témoigne d’un vécu qui pourrait lui porter préjudice si elle y est associée dans son quotidien. Nous ne sommes donc pas dans une démarche constitutive d’un blackface.
Ensuite, le choix de ce maquillage a été opéré après tests, par des spécialistes, avec l’accord de Nina et ses parents. Sans entrer dans des détails qui pourraient aider à identifier Nina, ce choix était le plus efficace sur le plan visuel. Par ailleurs, il nous est arrivé dans un contexte similaire de valider le maquillage inverse : éclaircir une femme noire pour lui permettre de témoigner dans notre Portrait de la semaine. Doit-on y voir un procédé raciste ?
Peut-on contester l’objet d’une polémique ? Toute polémique, à partir du moment où elle « prend » est-elle légitime ? Ce serait un bon sujet d’étude, néanmoins ce qui me surprend dans le fonctionnement de la « médiasphère » (binôme médias/réseaux sociaux) c’est que le vrai débat de fond, le débat de société porté par le témoignage courageux de cette adolescente et de son père passe au second plan. Plus de 7 000 adolescents se prostitueraient dans notre pays. Nina a été de ceux-là. Son parcours, sa dérive sont terrifiants. Or ce qui fait le buzz, c’est la façon dont elle a été maquillée pour sa protection.
Le fait communautaire est une évidence. Aujourd’hui cette reconnaissance communautaire (celle d’un regard extérieur vers une communauté et celle des membres de cette communauté entre eux) vire au communautarisme. La première doit avoir pour objectif la juste place, le traitement juste pour cette communauté ; le second est un retranchement agressif, une promotion et une défense abusives de sa communauté.
L’aspiration à la considération est légitime. Y compris lorsqu’elle s’exprime au nom d’une communauté. Mais pour être légitime, elle doit être à propos et mesurée dans son expression. Pour faire référence à l’affaire Mila (que je ne « suis pas ») il est inadmissible que cette jeune femme soit menacée physiquement pour avoir tenu des propos offensants envers l’islam. La défense de quelque intérêt, personne ou communauté que ce soit ne peut pas se faire en dehors du cadre fixé par le droit.
La communauté noire, je la connais bien ! J’en fais partie. J’ai travaillé pendant six ans dans une radio afro-antillaise à la fin des années 90. En interne, on a souvent entendu le reproche d’une trop grande tolérance, d’une absence de sensibilité ou d’une lâcheté face aux « attaques » en tous cas au manque de considération exprimé à l’encontre de cette communauté noire. Or, il en va des communautés comme des individus : celle qui ne sait pas se défendre (ou n’en voit pas l’intérêt) court le risque d’être méprisée. Le fait que la communauté noire puisse relever et répondre publiquement à ce qu’elle considère comme un manque de considération public est une bonne chose.
Mais sachons faire les bons choix pour mener les bons combats. Je n’ai pas entendu, ou lu que le numéro de février du magazine Historia ambitieusement intitulé « Les vérités sur l’esclavage » avec en Une la photo d’un Noir attaché et terrifié ait suscité des réactions fortes. Pourtant, on peut lire en toutes lettres dans ce magazine : « Voué aux gémonies, ce recueil de lois promulgué sous Louis XIV accorde pourtant des droits aux esclaves, tout en fixant des devoirs à leurs maîtres ». C’est le chapeau introductif de l’article ! En février 2020 !
Je rappelle que le code noir est un recueil de lois qui dans son article 44 « fixe » dans la loi française (entre 1685 et l’abolition définitive de l’esclavage en 1848) le statut de bien meuble d’un esclave Noir des colonies. Ce dernier pouvant être acheté, vendu, donné, saisi, transmis par héritage. La présentation faite par Historia du code noir me semble contestable, même méprisante pour les descendants d’esclaves que sont nombre de Noirs français.
Pour ma part, je n’échapperai pas à ma responsabilité si j’ai commis une erreur ou si j’ai ma part de responsabilité dans une erreur commise. Vous avez le contexte et l’explication du maquillage effectué pour notre Portrait de la semaine du 16 février. A vous d’en juger, en connaissance de cause et pas simplement en réaction.
Harry Roselmack
*en l’occurrence je fais davantage référence à la réaction instantanée de l’épiderme qu’à sa couleur même si cette dernière a aussi, désormais, son importance.
Communiqué : « La priorité de la production a été de préserver et protéger l’anonymat du témoin. 7 à 8 ne floute jamais la partie portrait de l’émission. Personne ne peut dire aujourd’hui quelle est l’origine de cette personne et c’est ce qui importait à la production. Ce grimage avait pour unique objectif de préserver l’intérêt du témoin et en aucun cas une quelconque forme de dénigrement ».
2 Comments
On ne veut plus de blackface. Ni à la télé ni nul part.
Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre.
Ils ne pouvait pas la filmer de dos ???
Les noirs ne sont vraiment pas respectés dans ce pays.
7 à 8 : BLACKFACE, RACISME ?
Je trouve disproportionnée la réaction du public face à au procédé de maquillage en vigueur dans l’émission de Harry Roselmack. Peut-on comparer cette disposition au Blackface qui a sévi aux Etats-Unis où ailleurs dans l’intention manifeste de désigner l’autre comme un être inférieur, …
Personnellement, si j’apprécie Harry Roselmack, j’avoue ne pas regarder son émission grand public qui a sa raison d’être. Mais pourquoi s’insurger contre le fait que cette émission puisse maquiller un visage pour qu’il ne soit pas reconnu. Rappelons-nous la série culte Mission impossible et ses procédés de grimages que nous trouvions autrefois extraordinaires.
En soi, le procédé de 7 à 8 n’est pas condamnable dès lors que sa finalité raciste n’est pas avérée.
Devons-nous interdire à un blanc de se déguiser en noir ou à un noir de se déguiser en blanc, jaune ou bleu ? Un blanc a-t-il le droit de se « maquiller » en Martin Luther King, ou un noir en Mao Tsé-Toung ?
La loi est là pour sanctionner l’intention raciste. Le reste relève du triomphe du buzz (de la bêtise) sur la raison. C’est notre incapacité individuelle à raisonner plus vite que l’onde de choc des réseaux sociaux où l’anonymat favorise la chasse en meutes.
Pour autant, Roselmack a cru devoir se justifier de ses accusations de Blackface – qui pour moi sont infondées- en montrant « les excès » qu’il a cru déceler dans la revue Historia. Je trouve cette réaction plutôt maladroite, d’autant que les historiens nous expliquent qu’il vaut mieux des lois injustes à combattre, que pas de lois du tout.