Est-ce à une communauté de communes d’aider un Département dévasté ?
Stéphanie Maubé est maire de Lessay et Conseillère Régionale en Normandie
J’ai voté CONTRE un don pour aider Mayotte, lors du Conseil Communautaire. Je m’en explique.
Par ce refus, je souhaite interroger : est-ce vraiment à une communauté de communes d’aider un Département dévasté ?
Mayotte a besoin d’une aide massive, dimensionnée et structurante. Un Département entier balayé par une catastrophe climatique doit avoir tout la nation derrière lui, de manière officielle
Les appels aux dons auprès des citoyens ont toute leur place : on se sent utile de donner. Et on peut le faire individuellement, de manière volontaire et à la hauteur de nos moyens, grâce à l’ensemble des ONG reconnues (Croix-Rouge, Médecins du Monde, Fondation de France,…). L’empathie pour nos concitoyens qui souffrent est évidente !
Mais le don « d’apparence institutionnel », pas franchement spontané et plus ou moins poussé, me met mal à l’aise.
Comment décider quels sinistrés aider ? Rien qu’au sein des frontières françaises, les inondés des Hauts-de-France mériteraient également de recevoir des dons. Et les mégafeu du Sud-Ouest ? Et la Nouvelle-Calédonie ? Les éboulements de montagne ?…
Au regard de la multiplication des catastrophes climatiques, la solidarité entre territoires doit se manifester de manière cadrée et institutionnelle. Pourquoi pas sous forme de levée d’une taxe des collectivités, sur le principe de GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) permettant une solidarité intangible ?
N’oublions pas que parallèlement à l’augmentation de la gravité des catastrophes, les assurances se désengagent. A l’échelle de Lessay (ma ville), la cotisation a augmenté de 30% en une année ! Le budget municipal ne va pas pouvoir conserver son niveau de protection…
Enfin, Lessay est un bon exemple d’une reconstruction structurée, planifiée et anticipatrice de l’évolution de la société.
Après que les bombardements de 1944 l’ait presque rasée, comme de nombreuses autres villes de Normandie victimes collatérales du D-Day, on ne s’est pas contenté de la rebâtir à l’identique. Le Ministère de la Reconstruction a fait de ce drame une opportunité en anticipant la « future manière de vivre » des habitants.
Des routes furent tracées en prévision de l’essor de l’automobile, les infrastructures (écoles, mairie) furent déplacées pour proposer un nouveau modèle urbain, les maisonnettes historiques furent remplacées par des logements spacieux, lumineux et confortables. La Reconstruction a non seulement permis un progrès social, mais aussi l’amélioration de l’hygiène et la santé des familles, et d’accéder à une forme de dignité.
C’est cette énergie-là, humaniste et structurée par une vision d’avenir, qui doit guider l’aide de l’hexagone pour reconstruire Mayotte, accompagnée d’une évolution législative et géopolitique pour surmonter les défis que l’on sait (la régulation des comoriens).
Nous espérons que le Ministre dédié (Manuel Valls) a les moyens d’y travailler.
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