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En France, la discrimination fait partie de la culture

Pour le HONOLULU Magazine, Soufiane Bouharkat, patron français d’une crêperie à Hawaii, originaire de l’Algérie avec un père venant du désert du Sahara, explique la différence entre le racisme en France et aux Etats-Unis. Un point de vue intéressant pour notre reprise.

« J’ai rendu visite à un ami à Hawaii. J’ai adoré, et j’ai déménagé ici en 2007. J’ai réalisé qu’il n’y avait pas de crêperies, alors j’ai monté « Le Crepe Café » avec mon ex-femme. Nous avions une petite remorque et avons commencé à faire des marchés dans toute l’île. C’était beaucoup d’éducation parce que la plupart des gens ne connaissaient pas les crêpes – ils ne savaient pas que cela pouvait être quelque chose de savoureux. Nous avons ouvert une boutique à Mānoa, puis au centre-ville ».

« A Hawaii, je reçois parfois des clients qui me font des remarques. Une femme m’a dit : « Parlez-vous français ? », j’ai répondu : « Ouais, je suis français. » Elle a poursuivi : « Je suis désolée pour vous, vous avez beaucoup d’immigrants venant d’Afrique. » « Ca tombe bien » ai-je répondu. « Je suis né en Afrique et je ne suis devenu français qu’après ». Elle était embarrassée, mais à la fin de la discussion, elle a reconnu ses préjugés. Je lui expliqué que les Français avaient colonisé tant de pays d’Afrique et avaient eu besoin des immigrants pour construire le pays ».

… « Il y a beaucoup de différences entre l’immigration en Amérique et en France. En France, l’école est gratuite, les soins médicaux sont gratuits, donc tout de suite, quand les gens immigrent, même s’ils n’ont pas d’argent, vous savez – mes parents ont vraiment eu du mal parce que nous étions huit et nous avions deux cousins ​​qui sont restés avec nous, donc c’était 10 d’entre nous dans la maison, avec une salle de bain. Pour moi, l’unique salle de bain a été une chose traumatisante parce que je devais attendre tellement longtemps pour y aller. C’était un défi mais nous avions tout ce dont nous avions besoin. L’école était gratuite. Tout le monde a un diplôme dans ma famille.

Ainsi, lorsque les immigrants deviennent français, les enfants ont accès au savoir.  Mais le poids de la langue française et de la culture sont si forts que vous ne pouvez être que français. Donc comme, par exemple, vous dites : « Je suis franco-africain. Vous ne dites pas afro-français. Vous êtes français d’abord ».

… « Il faut du temps pour accéder à l’éducation. La mentalité française est très fermée, ils ne sont pas très ouverts aux différences, alors qu’ici il y a plus d’acceptation. En France, la discrimination fait partie de la culture. J’ai été probablement arrêté par la police en France sans raison, au moins 300 fois. Et je pensais que c’était normal pour moi. J’avais l’habitude de conduire une moto, je me faisais arrêter tout le temps, tous les jours. Une fois, j’achetais un costume sur les Champs-Élysées, des policiers avec des fusils m’ont intimé l’ordre de lever les mains en l’air, dans ma voiture. Je me disais : On m’arrête pour mon choix de costume, pour mauvais goût ? 30 secondes après, ils ont conclu : « C’est pas le bon gars », et ils sont partis. Mon amie était traumatisée. Je lui ai dit que j’étais habitué ».

« Je parle parfaitement le français, sans accent. Je parle aussi anglais, espagnol, italien. Au téléphone pour une entrevue, tout se passe bien. Puis nous devons nous rencontrer et là bizarrement, ils hésitaent. Dans un emploi, je me souviens qu’il y avait 55 cadres, j’étais le seul non-Blanc, puis vous allez vers les gens qui répondent au téléphone, et là il n’y a que des noirs. J’ai aussi travaillé dans une entreprise et ils m’ont demandé de changer de nom – les gens aux noms africains ils ont l’habitude de leur demander à changer de nom ».

Soufiane Bouharkat a pris conscience de la pauvreté à Hawaii. « Je veux faire quelque chose à ce sujet. L’année dernière, dans les logements sociaux de la vallée de Pālolo, je faisais des crêpes gratuites une fois par mois, je leur apprenais un peu de français et parlais de mon expérience… Ce sont principalement des enfants de Micronésie… Je leur parlais juste de mon histoire, de la façon dont mes parents ont immigré en France et surtout j’ai l’impression que tout est possible aux États-Unis. Je veux vraiment redonner à Hawaii parcequ’ils me donnent tellement…. Mais j’ai constaté qu’à Hawaii, comme dans le West Side par exemple, il n’y a pas d’éducation dans le domaine de l’hygiène alimentaire – c’est KFC, McDonald’s. C’est encore pire sur le continent pour les communautés noires. J’ai décidé de prodiguer alors des conseils pour la santé… Quand j’étais au collège en France, j’ai lu l’auteur du Petit Prince Antoine de Saint-Exupéry. Il dit:  « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. Ce n’est qu’avec le cœur que l’on peut voir l’essentiel ». Les différences ne se soustraient pas, mais rendent plus riche. En tant qu’enfant, je croyais vraiment que nos différences nous rendaient plus forts. J’y crois toujours ».

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