Elie Domota : Avant on pouvait manger 1 cuillère de mort-aux-rats désormais on en peut manger 4
Extraits d’un discours d’Élie Domota
« Dans un hôpital, des dispositifs de sécurité doivent être mis en place ; à la moindre fumée, les portes coupe-feu se ferment, les aspirations d’air se déclenchent et le départ de feu est contenu. Or, aujourd’hui, c’est tout le CHU qui est hors d’usage !
Peut-être qu’on va nous dire “c’est la malchance : de fâcheux concours de circonstances, ça arrive…”
Il n’y a que dans une dictature militaire que l’on voit l’armée prendre en charge la formation professionnelle
Alors, malchance aussi le décrochage scolaire ? Le RSMA, reçoit de l’argent chaque année : on nous dit c’est “l’autre école de la deuxième chance”… Nous leur avons demandé : quand est-ce que les Guadeloupéens auront l’école de la 1ère chance ? Parce qu’ici en Guadeloupe, avec la Guyane, Mayotte et la Réunion, nous sommes les premiers en chômage des jeunes au niveau Européen. Nous sommes aussi premiers en échec scolaire : chaque année, c’est 1 200 à 1 500 enfants qui quittent l’école, ici, sans qualifications, sans formation ! Et on parle de décrochage scolaire ? Mais c’est de réussite scolaire qu’il faut parler !
Quel est le problème ? Soit nos enfants sont plus couillons que d’autres, soit le système éducatif nous mène à l’échec ! Pensez-vous alors qu’ils s’attaquent à la cause du problème ? Eh bien non ! Ils font des réunions : tout le monde vient, on y vote des subventions pour le RSMA, pour la deuxième chance et nos enfants, tranquillement, sont à la rue ! Et l’État, que fait-il ? L’État met des panneaux 4 par 4 devant les lycées, les collèges et les panneaux leur disent : soif d’avenir ? Engagez-vous dans l’armée, allez au Mali vous battre, en Afrique tuez des gens, allez-y, que la France mette la main sur le pétrole, qu’elle y prenne du cacao ! Et on trouve que ça va.
Aujourd’hui, en Guadeloupe, le RSMA est le premier opérateur de formation professionnelle. Il n’y a que dans une dictature militaire que l’on voit l’armée prendre en charge la formation professionnelle ! Et tout le monde dit : c’est normal, ça va.
Alors peut être que c’est la malchance ?
Avant on pouvait manger 1 cuillère de mort-aux-rats, désormais, on en peut manger 4
Vous avez tous entendu, pendant les fêtes de Noël, Mme Buzyn, ministre de la santé dans le gouvernement Macron, Macron que pratiquement tous les élus guadeloupéens soutiennent ? Les taux résiduels maximum de chlordécone, dans les aliments que nous mangeons ici, ont été relevés. Son ministère et l’agence de la santé ont donné leur aval. En France métropolitaine, le taux résiduel maximum c’est zéro micro-gramme : à la moindre trace, les aliments contaminés seraient retirés de la consommation et les responsables recherchés et mis en examen. Mais ici là, dans la France d’Outre-mer, on nous dit 20 micro-grammes de chlordécone par kilo de viande de poulet, ça va, on peut manger.
Pour Noël, de 20 microgrammes, nous sommes passés à 200 microgrammes par kilo de viande. Autrement dit, avant, on pouvait manger une cuillère de mort-aux-rats et, désormais, on en peut manger quatre. On n’en mourra pas tout de suite, non ; on en mourra plus tard. Et là non plus, pas de problème : vive la France !
Alors peut être que nous n’avons pas de chance ? Ca arrive parfois.
L’autre jour, nous avons vu Victorin Lurel s’exprimer au sujet du chlordécone. Lurel, ancien ministre, ancien président du conseil régional, signataire des accords LKP, s’est brusquement rendu compte qu’il y a du chlordécone en Guadeloupe. Brusquement. Lorsqu’il était dans la majorité, lui et ses acolytes, ça leur avait échappé. Mais à présent qu’il est passé dans l’opposition, brusquement, il s’en rend compte ! Mais enfin, passons.
Donc, Victorin Lurel, comme on dit, interpelle la ministre et lui demande si, à tout hasard, sera fait mention du chlordécone dans la loi qu’ils vont faire passer. Que répond la ministre ? Qu’ils n’ont pas d’études suffisantes pour établir une corrélation entre la hausse du nombre de cancers et la contamination au chlordécone. Pourtant, des professeurs, « grands grecs », l’affirment, études à l’appui. Mais il n’y a pas suffisamment d’études répond Mme Buzyn. Mme Buzyn qui, avant d’être nommée ministre, était directrice de la commission en charge de ces études. La même qui, une fois ministre, a supprimé le financement de ces études en Guadeloupe et en Martinique. Alors elle a beau jeu de nous dire, aujourd’hui, qu’il n’existe pas suffisamment d’études !
Encore une fois, c’est peut être la malchance ?
Liberté-égalité-fraternité, une grosse blague oui !
Mais enfin, bon sang, si on additionne ce paquet de malchances-là, est-ce que ce n’est pas carrément une malédiction que nous avons ? On peut voir les choses ainsi. Après tout, j’ai entendu des gens parler de Dieu, l’Eternel, alors oui, Jéhovah nous a peut-être jeté une malédiction ? En tout cas, pour ma part, je n’ai pas de sortilège, je suis content d’être bien vivant sur terre et je pense que tout le monde, ici-bas, a envie d’être en bonne santé. Et c’est pour ca que je dit que ce n’est pas de la malchance, de la malédiction ou de la fatalité, c’est programmé camarades. C’est programmé oui !
Nous n’avons jamais été Français, nous ne le serons jamais. La Guadeloupe n’a jamais été dans le champ d’application de la République Française. Liberté-égalité-fraternité, une grosse blague oui ! Des escrocs ! Et la première personne qui viendrait nous dire le contraire serait un bel escroc !
Nulle part en France la répression anti-syndicale n’atteint une pareille ampleur. Ainsi, je suis le 107eme militant de l’UGTG convoqué au tribunal depuis 2009. Et pourtant, en Guadeloupe, il y a la ligue des droits de l’homme, Amnesty international… A croire que ça ne les intéresse pas. 107eme militant, rapporté à l’échelle de la France, ça vous ferait 15 000 militants syndicalistes convoqués au tribunal. Ici là, en Guadeloupe !
On nous convoque au tribunal, on nous empoisonne à la maison.
Ce qu’il y a dans l’eau que nous buvons, personne ne le sait vraiment
Dernièrement, le LKP a pu mettre la main sur les relevés d’analyse des eaux dans les différentes communes. Nous avons passé plusieurs jours à décortiquer toutes les analyses sur l’état des eaux, des relevés qui s’étalent sur plusieurs mois et plusieurs années. L’ARS, nous a bien dit que l’eau est potable, qu’elle ne contient pas de chlordécone. Et c’est une batterie d’analyses, prenant en compte je ne sais combien de paramètres pour détecter des traces éventuelles de zinc, de mercure, de nitrate, de plomb, la présence de bactéries, et caetera… qu’ils sont censés mener. Tout cela, bien sûr, sous la vigilance des autorités municipales, communales et régionales… Or, quand on regarde leurs prélèvements, on constate qu’il s’agit de prélèvements partiels. Et cela concerne la quasi totalité des communes, pour ne pas dire toutes les communes. Comme vous le savez, on ne trouve jamais que ce que l’on cherche.
En somme, ce qu’il y a dans l’eau que nous buvons, personne ne le sait vraiment. D’ailleurs, aucune analyse n’est faite pour détecter la présence de chlordécone. Et de toute façon, même lorsqu’ils obtiennent des taux anormalement hauts, pour l’aluminium ou le chlore par exemple, l’eau est déclarée propre à la consommation. Ainsi, le taux maximal pour l’aluminium est fixé à 200 microgrammes par litre. Là où j’habite, on trouve un taux supérieur : 437 microgrammes par litre ! Mais on nous dit l’eau est potable. A Anse-Bertrand, on atteint 600 mg. Mais comme l’ARS nous certifie que l’eau est potable, alors tout va bien.
Pas de chance car « tout ça est bien malheureux oui ».
L’eau dans les robinets, ce ne sera pas avant deux ans
Malchance dans la distribution de l’eau ? On nous a bel et bien parlé de 70 millions d’euros débloqués. Mais l’eau courante n’est pas prête de venir. Alors peut-être verrez-vous se poser, ça et là, quelques canalisations. Mais l’eau dans vos robinets, ce ne sera pas avant deux ans, car c’est tout un réseau de distribution d’eau qu’il faut construire ! C’est un service public de gestion de l’eau qu’il faut créer, camarades !
Mais peut-être que nous n’avons juste pas de chance…
Parfois nous sommes cinq et deux personnes nous écoutent : un RG et un clochard
Mme Girardin, ministre de l’Outremer, est venue nous faire son numéro. Vous avez vu, à Saint Martin, ce qu’elle a fait là ? C’était du tourisme de catastrophe ! Elle vient pavaner ; tout le monde est content ; ça mange des petits fours, ça vous fait des réunions puis ça remonte dans l’avion ; et nous et nos problèmes, on reste là. C’est la raison pour laquelle plusieurs camarades ne cessent de le répéter : nous ne sommes pas assez nombreux à nous mobiliser.
Camarades, nous n’avons pas encore fait ce qu’il faut pour qu’il y ait du monde. Nous faisons des meetings, parfois nous sommes cinq et deux personnes nous écoutent : un RG et un clochard. Pourtant nous avons fait des meetings dans toutes les communes de Guadeloupe. Nous avons distribué des tracts dans toutes les communes de Guadeloupe. Et c’est ce qu’il faut continuer à faire : continuer à tenir des points d’informations, comme ici même. Continuer à nourrir l’information, à parler avec les gens. Continuer à faire des vidéos, continuer à distribuer des tracts. Allez partout, ça prendra des jours, des semaines, des mois, mais, à la fin, nous allons gagner. Ne désespérons pas, ne nous décourageons pas, parce que le combat ne fait que commencer. Il ne fait que commencer.
Pour un chantier public on fait de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences. Mais que fait-on ici ? Hé bien nous sommes là, nous regardons les prestataires passer.
Nous avons interpellé tous les parlementaires à propos de la construction du nouveau CHU… A propos de nouveau marché pour la construction de l’hôpital, personne ne nous a encore répondu. Mais à force d’insister, nous avons fini par être invités à une réunion au conseil régional. Il nous a été dit que l’appel d’offre avait déjà été lancé. Mais tel que celui-ci a été conçu, il ne générera aucun emploi pour les guadeloupéens. Et cependant, que nous dit la direction du CHU ? Que 200 000 heures d’insertion professionnelle seront prévues sur un chantier qui s’étalerait sur 10 ans, et concernerait 125 guadeloupéens.
Lorsque l’on interpelle nos parlementaires à ce sujet, aucun d’entre eux ne se saisit de cette question. Or, dans un département ou une région française, quand il y a un chantier public, que se passe-t-il ? On fait quelque chose qui s’appelle la gestion prévisionnelle des emplois et compétences. On rencontre toutes les entreprises concernées pour évaluer les besoins dans tel ou tel domaine.
Avec les centres de formation, les services publics de l’Etat en matière d’insertion et de formation, on met en place les formations nécessaires afin qu’une fois l’appel d’offres lancé, les habitants de la région soient qualifiés et puissent travailler. Mais que fait-on ici ? Hé bien nous sommes là, nous regardons les prestataires passer. Comme pour le centre gérontologique à Pointe d’or : une entreprise européenne a débarqué avec ses ouvriers d’Europe du Sud. Pareil pour Beauperthuy à Pointe Noire : d’autres sud-européens sont venus travailler pour le compte d’une entreprise européenne. Pareil encore pour EDF à Jarry. Pendant ce temps-là, des Guadeloupéens fument de l’herbe, boivent du rhum, tous les weekend s’entretuent, et le journal France-Antilles, le lundi, vous annonce “meurtre en Guadeloupe »…
Ce qu’il nous reste donc à faire, dès à présent, c’est nous lever et nous battre, sans désespoir ni découragement. Le combat est engagé. Nous n’allons jamais nous agenouiller ».
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