Société

Egalité réelle : les Réunionnais seront-ils encore longtemps maintenus dans l’ignorance ?

Le Parti communiste réunionnais a annoncé hier la présentation du projet de loi sur l’égalité réelle au Conseil des ministres le 3 août. C’est une nouvelle accélération des événements alors qu’aucun débat sur cette question n’est annoncée par le gouvernement dont la secrétaire d’État à l’Égalité réelle. C’est pourquoi le PCR appelle à ouvrir d’urgence le grand débat sur l’avenir de La Réunion, afin que la population ne soit plus maintenue dans l’ignorance et puisse exprimer son point de vue sur un projet qui va engager l’avenir de La Réunion pour les 20 prochaines années.

Représenté par ses trois co-secrétaires généraux Yvan Dejean, Maurice Gironcel et Ary Yée Chong Tchi Kan, le Parti communiste réunionnais a tenu hier une conférence de presse sur le projet de loi sur l’égalité réelle. Le PCR continue sa campagne d’information sur ce sujet, ce que ne font pas les autres partis politiques ainsi que la secrétaire d’État à l’Égalité réelle, qui est pourtant une Réunionnaise, dit en substance la direction du Parti. C’est d’ailleurs le PCR qui annonce que ce projet sera présenté au Conseil des ministres le 3 août prochain. Le PCR a d’ailleurs distribué ce texte actuel aux journalistes présents. C’est le signe d’une accélération des événements, alors que la population reste toujours tenue à l’écart d’un sujet qui engagera son avenir pour les 20 prochaines années.

Après avoir dévoilé cette date, Maurice Gironcel a rappelé que le PCR a envoyé sa contribution à ce projet, et souhaite un grand débat. Hormis Paul Vergès qui a fait connaître ses propositions, les autres parlementaires sont silencieux, poursuit-il. « Que vont-ils dire là-bas ? » au moment où ils devront prendre position après le passage du texte en Conseil des ministres.

Le co-secrétaire général a en effet indiqué que l’exposé des motifs de ce qui sera une loi de programmation renvoie à la loi de départementalisation, promulguée le 19 mars 1946. « Cela avait fait à l’époque l’objet d’un grand débat. Aujourd’hui on engage La Réunion pour les 25 prochaines années, mais il n’y a pas de grand débat, c’est un déni de démocratie qu’il faut corriger ». Et de souligner que « le parti du gouvernement organise des fêtes de la Rose, la secrétaire d’État déléguée à l’Égalité réelle intervient mais ne parle pas de ce sujet. Pour le PCR, le compte n’y est pas ».

Quelle Réunion en 2040 ?

Ary Yée Chong Tchi Kan est tout d’abord revenu sur la genèse de ce projet de loi. Ce dernier part du constat que 70 ans après la départementalisation, il n’y a pas d’égalité. L’objectif est donc d’y arriver dans 20 ans. « La situation est extrêmement grave. Nous apprenons que le 3 août, le projet de loi sera soumis au Conseil des ministres, à partir de cette date ce sera ficelé. Il sera présenté à l’Assemblée nationale en octobre, au Sénat en novembre », a-t-il ajouté. C’est une accélération des événements dans une chronologie qui a débuté il y a deux ans, lors de la visite officielle du président de la République à La Réunion. À cette époque, le PCR avait interpellé le chef de l’État sur une série de dossiers : la canne à sucre, les Accords de partenariat économique, la réforme de l’octroi de mer.

L’année dernière, le président de la République a annoncé une grande loi sur l’égalité réelle, et proposé le délai de 10 à 20 ans pour y arriver. Il a nommé Victorin Lurel, ancien ministre, en tant que parlementaire en mission pour déblayer le terrain. Le PCR a adressé en juillet 2015 sa contribution : constat, analyse et perspectives. « C’est le seul parti politique à l’avoir fait », a rappelé le co-secrétaire général du PCR. Parmi les propositions il est question des critères de l’égalité réelle. Le PCR considère le PIB par habitant comme le principal. « Quel développement mettre en place pour atteindre cet objectif ? »

Les sujets sur lesquels le PCR avait interpellé François Hollande sont des échéances inéluctables, a dit en substance Ary Yée Chong Tchi Kan. Comment engager une réflexion sur l’avenir si des points sensibles ne sont pas pris en compte ?

Accélération des événements

Or quelques mois plus tard, la campagne électorale des régionales s’est déroulée totalement en dehors de ces préoccupations essentielles. Le PCR voulait profiter de ce moment pour que le débat sur l’égalité réelle et les moyens d’y parvenir puisse se tenir, mais il n’y a rien eu de tout cela.

Pendant ce temps, le gouvernement a continué à faire avancer son projet. 21 mars 2016, Victorin Lurel a remis un rapport au Premier ministre en présence d’une Réunionnaise nommée secrétaire d’État à l’Égalité réelle. Le PCR a réagi au rapport. Il a constaté que le document fait l’impasse sur les causes de la situation actuelle. « Les mesures préconisées continuent l’oeuvre d’intégration qui contribue à ce qu’il n’y ait pas d’égalité ». Et de noter que lors de la commémoration de la loi du 19 mars 1946, le PCR a organisé une manifestation et publié une brochure au titre explicite reprenant une analyse jugée « implacable » : « mettre fin au néocolonialisme, un nouveau rassemblement pour une nouvelle politique ».

Projet de loi décevant

« Le compte n’y est pas dans l’urgence sociale, quelle solution pour les 170.000 personnes inscrites à Pôle emploi, pouvons-nous traiter cela dans les 20 ans avec le cadre actuel ? Si ce n’est pas le cas, on veut une marchandise avariée », a précisé le dirigeant communiste.

En juin 2016, c’est l’emballement : le 14 juin le Premier ministre saisit le Conseil économique social et environnemental (CESE) pour avis sur le titre premier du projet de loi, avec une étude d’impact relative à ce projet. Un débat est prévu, le PCR obtient une copie de cette partie du projet et adresse au CESE et au Conseil d’État une contribution. L’avis du CESE est rendu le 12 juillet lors d’une assemblée plénière. « Il en ressort la nécessité d’une large concertation au niveau local pour déboucher sur une communauté de destin ». Lors du débat, le groupe des Outre-mer a déposé une contribution spécifique « qui reprend les points essentiels de l’analyse et de la vision à long-terme du PCR ».

Le CESER est aussi saisi par le préfet et le Conseil régional. L’avis est émis le 13 juillet. Sa conclusion : « déconvenue et scepticisme » devant le texte du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle.

Rassemblement le 4 septembre

Le PCR demande donc au gouvernement d’« ouvrir d’urgence le grand débat entre Réunionnais sur l’avenir de La Réunion, et que l’on ne prenne pas de décision hâtive pour contrarier la marche de La Réunion vers le progrès ». « On ne peut pas avoir l’égalité sans les Réunionnais. Il faut savoir où l’on va ».

« Si le texte du projet de loi tel quel est présenté le 3 août au Conseil des ministres, le PCR estime que l’on ratera une occasion de responsabiliser la société réunionnaise », a affirmé le co-secrétaire général du PCR.

Yvan Dejean a pour sa part déclaré que « dans 14 jours, le sort de La Réunion va se jouer pour 20 ans. La population ne sait pas à quelle sauce elle sera mangée ». Le PCR va donc continuer de mobiliser pour qu’enfin le débat qu’il appelle de ses vœux puisse se tenir. Le co-secrétaire général du PCR a également donné des précisions sur la rentrée politique de son parti. Elle aura lieu le 4 septembre prochain à Sainte-Suzanne, sous la forme d’un rassemblement.

 

Manuel Marchal / 21 juillet 2016

 

 

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