Société

CEDRIC BOYER : POLICIER ? SI C’ÉTAIT A REFAIRE, JE DIRAIS NON !

Les manifestations de policiers sont rares. La dernière date de 1983. Nous avons demandé à Cedric Boyer, représentant des policiers ultramarins au syndicat Alliance les raison de leur colère.

Pourquoi avez-vous manifesté le mercredi 14 octobre place Vendôme ?

En solidarité avec notre collègue Yann qui était dans le coma à ce moment là et qui avait reçu une balle de la part d’un individu très dangereux à Saint Ouen. De manière générale, il y a un ras le bol dans la police, on n’a plus les moyens d’exercer nos missions, d’abord humainement en termes d’effectifs. D’autre part, on roule avec des véhicules qui ont plus de 300 000 km, on travaille avec des gilets pare-balle hors d’usage, le matériel est inadapté à la nouvelle délinquance.

Avez-vous des nouvelles du policier touché ?

Oui, les nouvelles de Yann Saillour sont bonnes. Il est sorti de l’hôpital Beaujon et doit intégrer un centre de rééducation. C’est quelqu’un de costaud. Malheureusement, c’est un collègue de la BAC de St Denis dont le destin a basculé à 36 ans et nul ne peut prédire si un jour il reviendra sur le terrain ou tout simplement avoir une vie à peu près convenable. Et j’ai une pensée pour ses collègues.

Cette manifestation n’était-elle pas destinée à nuire à Christiane Taubira ?

Nous, on ne s’occupe pas de ce genre de problème. Ce n’est pas la personne qui est visée mais la fonction. Il y a un individu qui a commis 34 faits graves, se retrouve en cavale. Fiché S comme par exemple Mohamed Merah, il a bénéficié d’une permission de sortie d’une journée et n’est jamais revenu. Il a fini par tirer sur un collègue. La manifestation sous les fenêtres de la Garde des Sceaux est symbolique. Il faut une réforme pénale, une réponse judiciaire qui soit en adéquation avec le travail de la police. Or, aujourd’hui on constate tout simplement que les règles pénales déconstruisent notre travail au quotidien.

Abordons les problèmes spécifiques des policiers ultramarins : l’éloignement et les mutations.

Depuis plusieurs années avec l’association CODIUM, Collectif pour la défense des Ultramarins de métropole nous nous battons pour la prise en compte des éléments moraux et matériels. Aujourd’hui  un amendement a été déposé par la députée Ericka Bareigts, c’est une première bataille remportée mais la guerre n’est pas gagnée pour autant. Cette décision peut être remise en cause au niveau constitutionnel, on a bon espoir pour qu’il y ait un reconnaissance de l’éloignement, du nombre d’années passées ici pour un retour des fonctionnaires au pays.

Au niveau personnel, comment as-tu vécu ton arrivée en métropole ?

J’ai quitté la Réunion en 2004. Le lendemain de mon arrivée j’intégrais l’école de police de Périgueux. Avec le froid et l’éloignement, ça a été très compliqué. Au bout d’un an de scolarité, j’ai été muté sur Paris et cela fait 11 ans que je suis dans la capitale, tout d’abord à Police Secours en brigade puis 7 ans de BAC (Brigade Anti Criminalité) avant d’être détaché nouvellement pour mon syndicat où je m’occupe de l’Outre-mer.

Conseillerais-tu ce métier à un jeune ultramarin ?

Sincèrement aujourd’hui avec le recul…. non. Ou alors il faut avoir conscience que vous aller passer 20 ou 25 ans de votre vie loin de chez soi et de faire une croix sur sa jeunesse, sa famille. Si c’était à refaire, je ne le ferais certainement pas. Mais en même temps, quand je vois le taux de chômage dans nos îles, quand je vois que les plus touchés sont les jeunes de moins de 25 ans, est-ce qu’on a vraiment le choix ?

Tu pensais donc repartir ?

Absolument. A l’époque, il y avait des pubs à la télé qui disaient aux jeunes : « Allez en métropole. Passez des concours ». Et moi même, quand j’ai passé l’oral il y a un commissaire de police qui m’a dit : « Monsieur Boyer, ne vous inquiétez pas ! Vous allez passer 3, 4 ans là-bas et vous allez acquérir de l’expérience, vous reviendrez bien vite. » Quand vous avez 20 ans, vous êtes naïf. Vous ne connaissez pas le milieu, vous y croyez et onze ans plus tard, vous devez vous faire une raison.

 

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Joël DIN

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