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Bresil : réaffirmer le racisme comme un péché

La Lei Aurea, loi d’or d’abolition de l’esclavage au Brésil, est signée par la princesse Isabel le 13 mai 1888. Magali Cunha, journaliste et docteur en sciences de la communication, collaboratrice du Conseil œcuménique des Églises s’interroge sur le racisme subsistant.
Aujourd’hui, nous nous souvenons des 132 ans de la Loi d’or qui a mis fin à la pratique de l’esclavage au Brésil. Cette date est l’occasion de se rappeler que la fin de l’esclavage ne signifie nullement la fin du racisme, le déni de l’égalité des Noirs et l’exploitation des travailleurs dans ce pays. C’est une occasion importante pour les chrétiens de réaffirmer le racisme comme un péché, une offense au Dieu de la vie.

Le racisme est l’une des formes d’intolérance les plus cruelles établies dans l’histoire humaine. Il est basé sur la non-acceptation des différences entre les humains, la possibilité de coexistence entre des hommes aux origines différentes. Ce déni s’ajoute aux pratiques sociales et politiques qui établissent une répartition inégale du pouvoir entre les groupes sociaux et déterminent la suprématie d’une «race» (la blanche) sur une autre (la noire).

Historiquement, il se produit de manière institutionnalisée, par le biais de politiques et de législations, par la subordination et l’exploitation de peuples, et également en tant que structure intégrée aux formes de vie culturellement établies dans différentes sociétés. À travers ces expressions, le racisme opère de manière explicite ou subtile, au quotidien.

Le Brésil a été le destination majeure pour les Africains réduits en esclavage (46% du marché des esclaves dans le monde) et le dernier pays des Amériques à l’abroger, un an avant de devenir une République.

Même en reconnaissant la citoyenneté aux peuples autochtones et à la population noire et métisse, l’esclavage reste une réalité tant au sens économique d’exploitation du travail d’autrui, qu’au sens politico-moral à reproduire les distinctions sociales.

Les Noirs ont toujours connu, de par la structure raciste de la société, des conditions de vie difficiles, la pauvreté dans les bidonvilles, avec de bas salaires et parfois l’obligation d’être dans l’illégalité pour survivre.

Cette situation crée une stigmatisation de la population noire du Brésil. Les Noirs sont considérés avec suspicion par les milices privées et les forces de l’ordre de l’État. De nombreux Noirs sont traités, sans aucune raison, comme des suspects dans diverses situations, humiliés, arrêtés, voire exécutés.

A ces cas s’ajoutent à une infinité d’autres au Brésil, rendus publics par des gens ordinaires ou des célébrités, à ceux couverts, de la vie quotidienne de millions de personnes dont la couleur de la peau est un motif de préjugés, de discrimination et de ségrégation.

À l’heure actuelle, il suffit d’examiner les chiffres du covid-19 pour comprendre les structures racistes et ségrégationnistes du Brésil. Selon les premiers chiffres mis à disposition en avril, par le ministère de la Santé, à la demande de la SBMFC (Société brésilienne de médecine familiale et communautaire) et par la Black Coalition for Rights, les noirs représentent 23 % des personnes hospitalisées pour le SRAS et 33 % des décès par Covid-19. Et la situation est peut-être pire compte tenu de la minoration de déclaration des cas et des décès dans les quartiers à forte concentration noire.

Même la plus haute autorité du pays ne cache pas le racisme qui l’anime. En campagne pour la Présidence de la République, le 5 avril 2017, Jair Bolsonaro a déclaré à la communauté juive de Rio (qui a bien ri) : «Je suis allé dans un quilombo (communauté formée par les esclaves en fuite dans les régions reculées à l’intérieur des terres). Le descendant africain le plus léger y pesait sept arrobas (environ 100 kg). Ils ne font rien. Je ne pense pas qu’il fasse même un peu d’élevage. Plus d’un milliard de $ par an est dépensé pour eux ».

Le racisme ambiant continue de nier la valeur humaine de la communauté  noire et de mésestimer les hommes et femmes de couleur qui ont marqué l’histoire de notre Brésil, intellectuels, dirigeants politiques ou artistes.

Tout cela est une offense à la foi chrétienne. La Bible exprime clairement le désir de Dieu d’établir des relations justes et dans la réconciliation de toute sa création. Ce désir se manifeste dans l’acte du Créateur qui a créé les êtres humains à son image (Genèse 1.26) et valorise les différences afin qu’il n’y ait pas de domination des uns sur les autres (Genèse 11.1-9), il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine (Éphésiens 2: 8-16).

Le Dieu qui a inspiré la libération du peuple hébreu d’Egypte est le même qui, encourageant l’utopie des Quilombos, a mis fin à l’esclavage des peuples africains en Amérique latine. C’est cet esprit de résistance qui perdure dans la population noire, et qui a conduit à une série de révoltes provoquant l’abolition de l’esclavage.

Malgré les discours et pratiques racistes au sein des églises, il y a des chrétiens à travers l’histoire qui se sont servis de leur foi pour vaincre le racisme. Ils forment des consciences et inspirent les mouvements pour la justice et l’égalité qui ont marqué le monde. Parmi eux, le baptiste Martin Luther King et le méthodiste Nelson Mandela. Au Brésil, il existe de nombreux hommes et de femmes noirs qui perpétuent l’histoire de la conscience et de la libération.

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