Société

Bonne chance madame Bareigts !

Connait-on beaucoup de ministères condamnés d’avance ? « L’égalité réelle » comme en témoigne son entrée dans le Flop Ten de l’émission de Laurent Ruquier ONPC On n’est pas couché, laisse « perplexes » dans le meilleur des cas voire « hilares » parlementaires et journalistes. Mais qu’est ce que l’égalité réelle ?

 

« Mais que diable allait-elle faire dans cette galère ?  » s’exclame un confrère. On peut prédire par cette boutade que la feuille de route de la nouvelle ministre la conduira sur les sentiers escarpés et sinueux de la realpolitik. Ericka Bareigts aidera Manuel Valls « à mettre en œuvre les mesures d’égalité réelle, de décloisonnement et d’ouverture de la société, annoncées par les comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté et [par] le comité interministériel aux ruralités ». Vaste programme ! Cela lui réserve beaucoup de réunions et de déplacements pour peu de résultats à court terme.

Matignon ajoute en explication : « L’égalité formelle ne suffit plus. Rattaché au Premier ministre, le secrétariat d’État d’Ericka Bareigts s’appuiera sur chaque ministère pour permettre de décloisonner et d’ouvrir une société parfois trop fermée, pour qu’elle donne sa chance à chacun ». Comme un symbole de son positionnement difficile, ses bureaux se trouvent au ministère des Affaires Sociales et de la Santé, faute de place à Matignon.

Si pour de nombreux ultramarins, sa nomination est dans la suite logique des plans de Victorin Lurel et du lobby CREFOM, François Hollande ayant annoncé « un grand plan pour l’égalité réelle avec les Outre-mer » en septembre 2015, lors de sa conférence de presse à l’Élysée, on peut cependant s’interroger sur les réelles intentions du gouvernement dans ce domaine au vu du sort subi par l’institution précédente la Délégation interministérielle pour l’égalité des chances des français d’Outre-mer laissée en jachère depuis octobre 2015 et au budget réduit à une peau de chagrin. Aux dires d’Ericka Bareigts, elle-même, sa nomination n’est pas exclusivement réservée à l’Outre-mer. Alors, que retenir de ce poste sans budget propre ?

Normalienne et agrégée de philosophie, Marianne Durano dans la revue Atlantico du 16 février définit ce concept d’égalité réelle :

« (Il) apparaît pour la première fois en 1791 dans les Cinq mémoires sur l’instruction publique de Condorcet… En d’autres termes, il est hypocrite d’accorder à un analphabète le droit de se présenter à l’élection présidentielle si on ne lui en donne pas en même temps les moyens concrets. L’égalité juridique est une égalité formelle qui se distingue de l’égalité réelle, dans la mesure où elle se contente d’affirmer des droits égaux sans prendre des mesures pour compenser les inégalités de situation sociale. Dans cette opposition se trouvent résumées les divergences principales entre le libéralisme politique et la philosophie socialiste.

Les tenants du libéralisme ont une conception strictement formelle et juridique de l’égalité : donner à tous les mêmes droits et les mêmes devoirs, quelles que soient les circonstances… : c’est le principe de l’égalité des chances.

Marx et des socialistes révolutionnaires, dénonceront violemment l’hypocrisie d’une telle position. Où est l’égalité des chances entre le fils de manœuvre et le fils d’instituteur ?… C’est dans La Question juive que Marx élabore sa célèbre critique des droits de l’Homme, et avec elle son concept d’égalité réelle. Les droits du citoyen sont pour lui les droits de l’homme bourgeois, le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, l’homme étant considéré comme un individu isolé, abstrait de toutes relations sociales… Marx affirme donc que le seul moyen d’établir une égalité réelle, c’est d’abolir la propriété privée. Par la suite, le concept d’égalité réelle deviendra l’étendard de la lutte socialiste contre les inégalités bourgeoises.

… Les analyses du prix Nobel d’économie Amartya Sen serviront de base aux réflexions du Parti Socialiste sur l’égalité réelle. Toute la question est de savoir comment mettre en œuvre un tel programme… En somme, la question de l’égalité réelle interroge rien moins que le rôle de l’Etat-Providence. Laissons le dernier mot à Montesquieu : « L’égalité réelle est si difficile à établir qu’une exactitude extrême à cet égard ne conviendrait pas toujours ».

Les utopistes Saint-Simon, Owen et son développement industriel, Fourier adepte de l’harmonie, Cabet et ses disciples partant pour le nouveau Monde et fondant l’Icarie égalitaire attendaient leur successeur. Eric Maurin s’était contenté de publier « l’Egalité des possibles ». Bonne chance Madame Bareigts !

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