Culture

Adieu à la journaliste-historienne de l’art Osange Silou-Kieffer

Osange Silou-Kieffer est décédée aujourd’hui 1er avril, victime du coronavirus. Nous republions à cette occasion et dans son intégralité l’interview réalisée par Wanda Nicot et publiée le 28 juillet 2016.

Osange Silou-Kieffer est l’épouse de Guy André Kieffer journaliste Franco-canadien, Directrice de rédaction d’Invariance Noire, Journaliste, Sociologue, Historienne de l’art. Guadeloupéenne avec une soif d’apprendre qui pourrait être obsessionnelle si ses gènes caraïbes ne le distillaient pas des doses régulières.

Présidente du festival des cinémas métissées-Cinamazonia, organisé en Guyane. Co-créatrice et organisatrice des Ohoas-concours de scénario de court-métrage de l’outre–mer. Elle a réalisé le documentaire « Cannes 96 : Cinéma d’Afrique (1999- 26 minutes) et a publié le livre  «  Le cinéma dans les Antilles Francaises (Ed OCIC, 1991). Selon elle « Le cinéma Ultramarin souffre d’un déni » mais c’est un cinéma existant…

Osange 1Présentez-nous Invariance Noire Agence de presse ?

C’est une agence de presse créée par des afro-descendants des « trois fleuves » en 1986 et qui est propriétaire d’un réseau de médias dits du sud.

En 2003 vous avez eu l’idée d’un concours de scénario de courts métrages ‘Les Hohoas’…

Je souhaitais faire quelque chose de concret pour nos cinémas. La nouvelle génération de scénaristes avait du mal à se faire identifier, alors j’ai créé avec Marijosée Alie et Nicolas Paulissen « Les hohoas » pour permettre la visibilité de ces jeunes. Après un arrêt de 3 ans, j’ai repris le concept avec France Télévision avec la « complicité » de Gilles Camouilly. il s’appelle maintenant  » Prix Océans », avec de nouveaux partenaires comme Unifrance, La Ruche Studio, La Quinzaine des réalisateurs et le prix est parrainé par une entreprise guadeloupéenne, Labomai crée par une femme Yannick Cheffre.

Comment faites-vous la sélection des scénarios et des jeunes réalisateurs ?

Un appel à scénario est fait chaque année. Le concours est ouvert à tout l’espace francophone mais la thématique est  » réalités socio culturelles des outre-mer ». Nous recevons en moyenne une centaine de scénarios. Une première sélection est effectuée puis le Comité de lecture en sélectionne 10 parmi lesquels le jury choisit le lauréat.

Quels sont les jeunes réalisateurs qui ont fait leur premier pas dans le cinéma ?

La liste est très longue parce qu’en dehors du concours il y a des jeunes qui réalisent leurs premiers films chaque année. J’ai comptabilisé l’an dernier près de trente jeunes de l’espace « outre-mer » qui sont en formation dans les différentes structures – Instituts, universités, écoles ici. Nous sommes en train de les identifier aux USA et au Canada où ils vont de plus en plus y faire leurs études.

Membre du jury du FESPACO (1985 et 2011), du jury de Khouribga (2012), de Rabat et cette année d’Unifrance, pour vous qu’est ce qu’un film ?

Un film est une œuvre d’art; donc, je l’appréhende d’abord ainsi. Un film est un témoignage sociologique et je l’appréhende aussi comme tel. Un film est une invitation au voyage dans l’univers d’un autre et si le cheval sur lequel on est monté est aveugle, le voyage peut-être chaotique. Un film est aussi un objet commercial. Vous comprenez qu’on ne peut pas en « deux mots, quatre paroles » analyser cet objet si complexe.

Vous avez réalisé le documentaire « Cannes 96 : cinémas d’Afrique » (1996), quelles sont les réflexions sur l’histoire partagée et la réalité du Festival de Cannes ?

Il n’y a pas de partage entre nos cinémas et le festival de Cannes. Ce que nous faisons à Cannes, c’est faire le « rara » année après année.

La cérémonie d’ouverture du Festival de cannes, pour la 2ème année de suite, l’absence de noirs parmi les nommés, qu’en pensez vous ?

Quand Wolé Soyinka a reçu le prix Nobel de littérature, un confrère lui a demandé s’il trouve normal que le premier noir nobélisé le soit près de 100 ans après la création du prix. Vous savez ce qu’il a répondu ? « Nous les noirs, nous n’avons qu’à créer notre prix et tous les 100 ans le donner à un blanc ».

En tant que sociologue, votre analyse des modes de production du cinéma ultramarin pour le FEMI Festival régional et international du cinéma de Guadeloupe ?

Ma fille Canelle a fait son mémoire M2 de médiation culturelle sur les difficultés d’émergence des cinémas des outre-mer. C’est ce travail remarquable à plus d’un titre, en toute objectivité qui a été présenté au FEMI.

En 2013, vous avouez que le cinéma ultramarin souffre d’un déni, avez-vous toujours cette appréhension ?

Ce n’est pas une appréhension, c’est une réalité, douloureuse certes, mais réalité.

Le cinéma media populaire et dominant jusqu’au début des années 1970, ce n’est plus le cas aujourd’hui, comment l’expliquez vous ?

Le cinéma est toujours populaire et c’est toujours un média de masse même si internet a réduit la fenêtre de lecture en ramenant le film à un objet artistique à appréhension isolée.

Votre plus beau voyage et échange culturel avec la population des pays ?

Ils sont nombreux parce que je voyage en lisant, je voyage en regardant des films, je voyage physiquement. Les belles rencontres sont donc démultipliées. Je viens de faire trois très beaux voyages en compagnie de Roland Brival, Raphaël Confiant et Marijosée Alie, à travers leurs ouvrages.

Les conseils que vous donnez aux jeunes réalisateurs pour évoluer dans le cinéma ou la production ?

Je ne suis pas cinéaste, je ne suis pas productrice donc je ne donne pas de conseils sur ce que je ne maîtrise pas. Une fois, un jeune m’a dit  « si je ne peux pas travailler dans le cinéma autant mourir tout de suite ». Cela m’a beaucoup impressionnée. Quand je rencontre autant de détermination, comme le petit colibri, je fais ma part, pour lui donner le goût de vivre.

 Votre message de soutien pour l’équipe 97Land ?

« Exister c’est mettre un pied par terre tous les matins et avancer jusqu’au soir » disent les caraïbes. C’est ce que je souhaite à 97Land, de mettre un pied par terre pendant beaucoup de matins.

Pour conclure, quels sont vos projets à venir ?

Je n’ai pas de projets, j’ai seulement beaucoup de rêves !!!!!

Wanda Nicot

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