IL NE SUFFIT PAS D’ÊTRE ANTILLAIS POUR QU’ UN AUTRE ANTILLAIS VOUS AIME…
« IL NE SUFFIT PAS D’ETRE ANTILLAIS POUR QU’ UN AUTRE ANTILLAIS VOUS AIME » expliquait Aimé CESAIRE dans le Nouvel Observateur N° 214 du 17 novembre 2005.
« Nous ne pouvons pas passer notre temps à dire : C’est la France qui est responsable » .
« Nous devons reconnaître une part de responsabilité des Africains dans la colonisation européenne »
« Les Arabes ont été des colonisateurs, et des marchands d’esclaves » .
Il ne faut pas croire qu’il suffit d’être antillais pour qu’un autre antillais vous aime.
Ce constat lucide s’est vérifié lors du cyclone IRMA, à Saint-Martin. Ce qu’il y a d’intéressant sur cette île, c’est que par ses dimensions réduites elle offre un concentré des tares supposées ou réelles des populations habitant nos régions, (et de nos économies, mais c’est une autre histoire). L’immigré haïtien ou saint-lucien, n’était sûrement pas mis au même niveau que les résidents de l’île, et encore moins de la population européenne.
On pourrait ajouter que cette dernière, venue s’installer sur l’île, et qui se disait amoureuse de Saint-Martin, s’est vue infliger quatre blessures narcissiques successives.
« D’une manière générale, -affirme le héros de La Chute d’Albert CAMUS-, j’aime toutes les îles. Il est plus facile d’y régner ». Effectivement à Saint-Martin, on entendait de toutes parts : Ce que j’adore sur mon île, c’est la coexistence de trente nationalités, le multilinguisme, la diversité culinaire…, ce qui s’est très vite transformé en « Saint-Martin était notre paradis. Il est devenu notre enfer… Comment pourrais-je y retourner après ce que j’ai vécu ».
Le cyclone a révélé que cette population européenne certaine de sa supériorité, n’était pas au centre de Saint-Martin, tout comme Saint-Martin n’était pas au centre de l’univers ( révolution copernicienne). Ce fut la première blessure narcissique. Ce terme désigne, les altérations du sentiment d’amour et d’estime pour soi-même, et à la suite de Freud les ruptures épistémologiques et la désillusion de l’être humain quant à sa toute-puissance supposée. « C’est comme si nous n’étions pas français ! », ont-ils hurlé, et gémi, fous furieux et pleurant devant les caméras.
Mais même un site comme Réinformation TV écrit que le vivre-ensemble a volé en éclats, car il n’était qu’une fiction imposée par les élites et les médias, en ajoutant perfidement qu’IRMA n’était qu’une anticipation et une allégorie de ce qui attend la France.
« C’est un classique de la littérature d’anticipation. Après la bombe, le maigre vernis de la civilisation et d’ordre qui maintient ensemble les hommes en société, tombe, et c’est l’horreur.
Pendant que des gangs rackettent les survivants terrés dans leurs maisons restées debout , des familles s’organisent pour piller les magasins d’électro-ménager. Des prédateurs organisés en bandes ethniques » ( toujours selon ce site ), sèment la terreur.
Et encore, ils n’ont pas dû voir les hordes d’enfants saccager les magasins de jouets !
IRMA a aussi apporté la terrible confirmation que l’homme est un animal comme les autres, la dure réalité des humains présents sur Saint-Martin après le cyclone quant à leurs besoins primaires ( se nourrir, boire, déféquer), – deuxième blessure narcissique– a illustré la théorie de l’évolution de Darwin. Ajoutons toutefois que ce dernier, contrairement aux idées reçues, avait mis en exergue que l’arbre des primates n’a pas cessé d’évoluer, et que ses représentants n’étaient pas moins modernes que l’homme. Le primate de souche saint-martinoise ( un ancien caïd new-yorkais repenti et retourné sur son île), fraternise désormais avec le directeur du plus prestigieux hôtel de l’île, selon Guadeloupe première.
L’homme n’est pas libre, mais est contrôlé par l’inconscient. C’est la troisième blessure narcissique. Le sujet serait déterminé par ses pulsions et par les interdits qu’il a intériorisés dans le SURMOI. Si on accepte l’hypothèse de l’inconscient freudien, force obscure qui les dépasse et qui détermine leur comportement, le casseur, le pilleur, le racketteur, les petits délinquants en herbe voleurs de jouets , et les gérants de société d’origine européenne pour la plupart, auraient baigné dans un univers hanté, infecté, dont nul ne pouvait sortir indemne, et surtout pas les fils de Saint-Martin les plus exclus ou les plus en carence affective, éducative, ou tout simplement les plus cruels et haineux. Dans ce remake des cow-boys et des indiens auquel on a assisté, jeu lugubre par lequel les groupes se sont divisés, mais aussi matrice des conflits où s’est tranchée la question du même, de l’autre, de qui est notre semblable, et de qui ne l’est pas, s’articulaient également des questions de territoire, de ressources ou d’allégeance, pour reprendre les mots de Maxime ROVERE.( 1)
La quatrième blessure narcissique vînt de Francky VINCENT. Ce dernier pourtant « plus connu pour ses élans lubriques que pour ses élans philanthropiques », selon BFM TV, n’a pas hésité à soutenir les sinistrés des îles du Nord par réseaux sociaux interposés. Etait-ce pour se rattraper de « Tu veux mon zizi », où il semblait entreprendre un vaste chantier immobilier ravagé dorénavant par les ouragans ?
Viens ce soir dans ma p’tite case, tu verras si je suis nase
Viens ce soir dans mon duplex, il y aura sûrement du sexe
Viens ce soir dans mon appart’, ça sera mieux qu’à Saint-Barth.
Là, c’était pour rire, il faut bien se détendre.
Car à lire le prix Nobel Albert CAMUS, dans tout élan de solidarités, il faudrait voir la duplicité profonde de la créature humaine. Et si son héros, s’adressait à nous :
« Avez-vous remarqué que la mort seule réveille nos sentiments ? Comme nous aimons ( ceux) qui viennent de nous quitter, n’est-ce pas?Comme nous admirons.. ceux qui ne parlent plus, la bouche pleine de terre ?
Un mort sous presse, et le spectacle commence enfin. Ils ont besoin de tragédie, que voulez-vous, c’est leur petite transcendance, c’est leur apéritif »
« Ceux-mêmes que j’aidais étaient le plus souvent méprisés…avec courtoisie, avec une solidarité pleine d’émotion, » poursuit implacablement ce personnage dans La CHUTE.
Nous aiderions d’autant plus, suite à une catastrophe, ceux que nous regardons de haut ? Comme cette île de la Dominique, si proche de nous après chaque cyclone meurtrier, mais que nous paraissons repousser en permanence.
Cette ambivalence n’échappait pas au grand penseur martiniquais.
Césaire ajoute, toujours dans ce numéro du Nouvel Observateur, « Je trouvais les hommes martiniquais, légers, superficiels, un peu snobs, porteurs de tous les préjugés qu’avaient les hommes de couleur autrefois. Je n’aimais pas cette Martinique. Et quand j’ai pu partir, ce fut avec plaisir ».
VICTIMISATION
« Nous ne pouvons pas passer notre temps à dire : C’est la France qui est responsable .Nous devons d’abord nous prendre en mains ; nous devons travailler, nous devons nous organiser, nous avons des devoirs envers notre pays, envers nous-mêmes. Sortir de la victimisation est fondamental ».
Cesaire fustige notre incapacité à nous prendre en mains.
On se prend la tête à deux mains, – c’est le cas de le dire- quand on constate, l’incompétence et la gabegie de nos élus. Au Gosier, la toute récente école maternelle , fraîchement inaugurée, et répertoriée comme un abri anti-cyclonique, a été lamentablement inondée. Vous me direz que cela paraissait inévitable, puisqu’elle est construite en plein cœur de la mangrove. Sauf pour le maire et l’équipe municipale ?
Signalons que de même, à Trois-Rivières, une école, inscrite comme abri sûr, a du être évacuée en plein cyclone.
Et que penser des zones commerciales construites en terrains inondables qui se multiplient, comme l’ hideuse zone de Colin à Petit-Bourg, ou aux Abymes, à Providence ? La touche finale est évidemment Jarry à Baie-Mahault, futur berceau de toutes les catastrophes.
L’AVENIR DE L’AFRIQUE ( selon CESAIRE)
Nous sortons du cadre caribéen, mais nous ne pouvions pas passer sous silence les propos de l’immense écrivain sur deux données majeures.
« C’est une question très importante et angoissante. Le sort du Liberia est effrayant.La colonisation a une très grande responsabilité, c’est la cause originelle.
Mais maintenant que les pays sont indépendants, une guerre s’est enclenchée. Une guerre de classes dégénérant en une guerre de races.
Et s’il y a eu colonisation, cela signifie que les faiblesses africaines ont permis l’ arrivée des européens ».
LE FANATISME MUSULMAN ( toujours selon Aimé Césaire)
« Le fanatisme musulman n’est-il pas dangereux ? Les Arabes ont été des colonisateurs, des dominateurs, et des marchands d’esclaves. Une parie de l’ISLAM est quand même très dure à l’égard de l’Afrique. J’ai bien connu un Kabyle, il fallait voir quel regard il portait sur sur les gens d’Alger qu’il considérait comme colonisateurs ».
On ne peut qu’admirer la prescience du poète. A lire et à relire.
1) Voir la critique de Maxime Rovere ( Magazine littéraire février 2016) de l’ouvrage « Le nom de la Guerre » de Jill LEPORE ed. Anarchasis traduit de l’anglais par Frédéric Cotton.
1 Comment
Une analyse qui devrait être débattu dans nos écoles aux Antilles et peut-être nos futures génération serons moins naïf et verrons le chemin qui leurs restent à accomplir avant de devenir « homme »
La connaissance nous grandit et c »est avec cette hauteur que nous pouvons accepter et débattre de ce qui nous fait mal et nous touchent
Je continu d’apprendre et cela me rend plus « HUMAIN »
Merci pour ce poste THÉO LESCRUTATEUR et par extension 97land
PS : « Un jour, je fis un rêve de chien, je devînt loup… et bientôt plus humain » Canus Lupus