HENRIETTE DORION-SEBELOUE : UNE HISTOIRE DE GUYANE
Une après-midi culturelle guyanaise boulevard Murat à Paris. Dans la salle, des enfants courent et dansent sous le regard bienveillant de la présidente Henriette Dorion-Sebeloue. Impossible de ne pas discuter sur le passé et l’avenir de cette terre de l’Eldorado avec celle que tout nouvel arrivant s’empresse d’aller saluer.
Pouvez-vous nous présenter votre association ?
Le 15 octobre, c’est la fête de Cayenne, nous sommes le 17. Nous célébrons l’anniversaire de la création de l’association officiellement le 25 avril 1925. Le 1er mars 1925, une quinzaine de personnes réunies sous la présidence d’Eugène Lautier député de la Guyane créaient l’UGAG, l’Union des Guyanais et Amis de la Guyane à Paris. Leurs objectifs étaient de venir en aide aux rescapés victimes de la guerre, refaire la réputation de la Guyane alors discréditée par l’implantation du bagne. Très peu de gens pensent qu’une association peut vivre si longtemps. Notre moyenne d’age est élevée, le doyen à 98 ans. Il était présent à la dernière assemblée générale. Nous continuons le combat et la relève est là.
Pour nous, c’est l’année Guyane même si l’année n’est pas très belle, politiquement, économiquement, socialement parlant. Rien n’est plus comme avant. Finalement, quand on n’a pas trop de moyens, on utilise ce que l’on a. Cependant il n’y a pas de raisons de ne pas continuer à attirer l’attention sur cette malheureuse Guyane dont on a toujours dit plus de mal que de bien alors qu’elle a des potentialités énormes.
Parlons de la jeunesse guyanaise.
Elle est dure pourtant il n’y a pas d’incompréhension particulière, je crois, entre les aînés et ceux d’aujourd’hui. On retrouve par contre toujours cette identité où le Guyanais est enfermé en lui-même alors que de temps en temps il devrait s’ouvrir, il devrait voir ce qu’il y a autour de lui et comme je leur dit vulgairement parlant : Prenez ce qu’il y a de bon chez eux, laissez leur le reste !
Le Guyanais est-il plus un Brésilien, un Américain, un Caribéen, un peu de tout cela ?
Apparemment tout en même temps. Le métissage a toujours existé chez nous. Je dirai : il est LUI, ce qui est énorme et le définit bien.
Vous êtes avocate, administratrice de France Télévisions entre autres. Vous avez du connaître des difficultés pour y parvenir…
Oui, une période difficile où les parents déjà n’avaient pas les moyens d’envoyer les enfants faire des études, il y avait des choix à faire. C’était après la la deuxième guerre… Les temps étaient durs. les étudiants ne rentraient pas chez eux comme actuellement. Ils avaient conscience qu’ils devaient compléter leur cagnotte, qu’ils devaient trouver un job pendant les vacances. C’était une vie acceptée, connue et ma foi, on ne s’en est pas trop mal tirés.
Avez-vous connu des problèmes par rapport à la couleur de votre peau ?
Tout est dans la manière dont on réagit et dont on accepte ces différences en question. Moi j’ai un jugement que je communique à ceux qui auraient tendance à se laisser aller, chacun a son éthique. Ce qu’il faut, c’est montrer ce que l’on est et montrer la valeur que l’on a. Je peux dire que je n’ai eu quasiment pas à souffrir de cela. J’ai été élevée par des parents qui étaient très stricts, mon père était militaire et j’étais l’aînée d’une famille, ça joue. Puis j’ai fait du scoutisme ce qui m’a influencé. Petit à petit, je me suis forgée une manière d’être et je pense qu’elle était dans le bon sens car je ne me suis jamais laissée envahir par ces questions de racisme. Il faut dire aussi qu’il y a des choses que je vois venir de sorte que très souvent je suis prête. J’anticipe sur les réactions.
Est-ce votre réponse aux débats actuels ?
A certains débats. Quand on se cantonne de ressasser ces problèmes, on ne peut pas se former. Il faut ne pas oublier, constater et que l’histoire serve mais de manière objective. Agir…
Etes-vous optimiste pour l’avenir de la Guyane ?
(Rires) Je regrette de ne pas être immortelle pour savoir ce qui va se passer.